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Pendant que le cinéma projette son feu d’artifice sur le macadam noir pétrole, un drame se joue. La fin d’un leurre. Que dis-je ? D’un mythe. Une légèreté. L’échange débute, autour d’un café et d’un croissant, par une question toute simple. « Il y a une école de musique à Brooklyn ? » On s’imagine tout de suite la ville, ses immeubles en briques, un peu décrépis… La musique étant souvent associée à la danse, une autre image se dessine rapidement. Un film en fait. Flashdance d’Adrian Lyne. Un classique (désopilant) des années 80, avec des coupes de cheveux ahurissantes, des tenues déconcertantes, mais une bande originale décoiffante (Maniac ou What a feeling, pour l’essentiel sur lesquelles on a toutes essayé, bien cachées dans nos chambres, d’agiter nos gambettes comme Alex) et des scènes de danse bluffantes. Le film qui a lancé Jennifer Beals.
On a tous en tête – mais si, n’ayez pas peur – cette scène finale où son personnage en met plein la vue à un jury d’abord ennuyé avant d’être emporté par le rythme de la soudeuse-danseuse. Du coup, deuxième question café-croissant : « ce n’est pas à Brooklyn qu’a été tourné ce film ? » L’antisèche universelle nous apprend en 0,3 s que non, c’est à Pittsburgh. Et en lisant un article consacré au 3e plus gros succès cinéma de l’année 1983 aux USA (moi, je m’en souviens plutôt comme de l’année de la victoire de Yannick Noah à Roland Garros, émue en direct…), je tombe dessus : Jennifer Beals était doublée pour les scènes de danse. Premier choc ! Je croyais naïvement que c’était pour ses qualités de danseuse qu’elle avait été choisie… Deuxième choc : elle n’a pas été doublée par une mais par trois personnes : deux femmes (Marine Jahan, Sharon Shapiro), un homme (Crazy Legs, nom de scène a priori). Et dans cette fameuse scène finale au montage stroboscopique, quatre personnes sont en fait sur scène. La tête de Jennifer Beals, le corps de Marine Jahan, celui de Sharon Shapiro pour le saut de gymnaste et celui de Crazy Legs pour le passage de breakdance. Dans ce contexte, s’agit-il encore de cinéma ou de cuisine cinématographique ? Allez, pour parfaire le tableau, le nom de Marine Jahan n’était pas au générique. D’où la troisième question café-croissant : « Mais qu’a donc fait Jennifer Beals dans ce film ? » L’histoire ne dit pas si elle était aussi doublée quand son personnage faisait de la soudure. Elle portait un masque !
En revanche, ce qu’elle dit, c’est que la Paramount a proposé à David Cronenberg de réaliser ce film… Une proposition sûrement surréaliste pour celui qui vient de commettre le film d’horreur Scanners et qui, cette même année 1983, propose Videodrome et The Dead Zone. Alors, Flashdance dirigé par David Cronenberg, cela aurait donné quoi ? D’abord, Alex n’aurait pas été soudeuse, mais conceptrice de jeux vidéos très organiques. Chaque soir, une dangereuse corporation aurait pris le contrôle de son cerveau pour lui faire interpréter des danses mécaniques, accompagnée de dizaines d’hommes déguisés en mouche… A la fin, un membre du jury, sorti de plusieurs années de coma avec des pouvoirs divinatoires, lui aurait lâché qu’il était inutile qu’elle danse car elle allait rater la scène de breakdance. Alex, furieuse, quitterait les lieux en courant, grimpant dans sa voiture décapotable pour aller se planter dans un mur de béton, avant de s’envoyer en l’air avec son petit ami entièrement recouvert de tatouages et infiltré dans la mafia russe. Définitivement, cela n’aurait pas du tout été le même film. Et sinon, oui. Oui, il y a une école de musique à Brooklyn. On y enseigne aussi la danse d’ailleurs…
J’aimerais bien le voir, ce Flashdance version Cronenberg ! Tu pourrais passer à Toronto pour lui proposer ce scénario…
(Et puis d’abord, il n’a pas « commis » Scanners, qui est un excellent film, pas aussi génial que Videodrome, mais quand même…)