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C’est étrange, l’optimisme. Quoi qu’il se passe, on trouve toujours un moyen d’y croire, de voir la lumière au fond du tunnel – même s’il est long, et haut, et large – et de chercher un moyen de la rejoindre – même s’il s’agrandit en chemin (hé bien, la route sera plus longue !), même si des esprits malins tentent de l’obstruer avec d’imposants rochers (hé bien, il faudra les escalader ou trouver une faille !)… Je me perçois donc comme une personne profondément optimiste. Entre autres. A tel point que j’arrive à penser certains jours que même les plus pessimistes d’entre nous sont, en fait, des optimistes en sommeil. Et que c’est cette trace d’optimisme tapie au fond d’eux qui, même si jamais ils ne l’admettront, les maintient en vie. Car comment vivre, comment vouloir continuer à vivre, surtout, en étant foncièrement persuadé que le jour prochain, la semaine prochaine, le mois prochain, l’année prochaine, la décennie prochaine, le siècle prochain sera pire qu’aujourd’hui ? A mes yeux, cela n’aurait pas de sens. Ce ne serait pas logique, pas cohérent. D’où mon raisonnement initial.
Bien sûr, notre regard est toujours biaisé par notre propre approche de la vie. Et me revient à l’esprit cette phrase, extraite du livre de Jérôme Ferrari, Le principe, que j’avais notée dans mon carnet du moment il y a quelques années : « On essaye de comprendre les choses à partir de sa propre expérience parce que c’est tout ce dont on dispose et c’est, bien sûr, très insuffisant ». Il parlait alors de physique, le principe du titre étant celui d’incertitude (ah ah !), ou d’indétermination, énoncé par Werner Heisenberg en 1927, qui stipule qu’il est impossible de connaître simultanément la position et la vitesse exactes d’une particule (quantique). Une vraie révolution scientifique par ailleurs. Mais, là encore, ce que je retiens de cette phrase sortie de son contexte tout à la fois fictionnel et épistémologique, est que pour être en mesure de comprendre les choses, il faut les vivre. Je choisis évidemment les citations qui résonnent et raisonnent en moi. Celle-ci m’invite, à sa manière, à avoir le plus d’expériences possibles si je veux comprendre le monde – même si j’ai récemment cité Patrick Viveret disant qu’il fallait accepter de ne pas tout vivre… et par conséquent, accepter de ne pas tout comprendre.
Ce qui tombe très bien car en ce moment, beaucoup de choses échappent à mon entendement, non pas dans les faits eux-mêmes – la pandémie, j’ai bien compris comment elle s’était propagée et c’est très logique – mais plutôt dans les processus de prises de décision à l’échelle des organisations qui en ont découlé pour la contenir, ou pas. Parfois, j’en viens d’ailleurs à penser que le covid-19 n’est pas responsable du chaos actuel et à venir, il en est simplement le détonateur, l’étincelle. Suivant cette logique, l’incendie qui a suivi dans de nombreux pays, et qui, parfois, n’est toujours pas éteint, serait, quant à lui, la conséquence des décisions prises, hier et aujourd’hui, par ce que l’on a pour habitude d’appeler « le sommet ». Volontairement, involontairement, je ne m’aventurerai pas sur ce terrain. Que des pays comme Taïwan, la Nouvelle Zélande, l’Islande, Singapour, la Finlande, l’Allemagne, le Danemark, la Norvège, Hong Kong – dont, soit dit en passant et comme cela a été relevé il y a quelques semaines, 7 sont dirigés par des femmes, même si concomitance n’est pas corrélation – aient été relativement épargnés par la crise, n’ayant, pour certains, même pas eu recours au confinement, en serait presque une preuve… En ce sens, accepter de ne pas tout comprendre me permet de garder mon calme, de ne pas perdre de temps à essayer de comprendre malgré tout car je ne suis pas câblée « comme il faut » et que l’irrationnel est aux commandes, et de concentrer mon énergie sur quelque chose dont je maîtrise les tenants et les aboutissants.
Les mots de Ferrari m’apprennent également qu’en tant qu’optimiste auto-proclamée, je ne peux pas me mettre dans la peau d’un pessimiste. Et donc, que mon raisonnement liminaire ne vaut rien. Parfois, je me dis que, par les temps qui courent, l’optimiste est indécent. Mais je me souviens alors que ce dernier n’a pas forcément chaussé des œillères pour le rester… Au contraire. Il sait, il s’informe, il voit, il intègre, il connecte, et pourtant, il croit en des jours meilleurs, il a confiance. Ne mélangeons pas tout, l’optimiste ne se dit pas forcément que tout va s’arranger. Non, non, non… Il a conscience que ce sera difficile, qu’il faudra revoir sa copie et que cela ne se fera pas sans lutte – car la résistance au changement est pire que le changement lui-même –, mais, il sent, qu’au final, cela ira. La vie sera la plus forte.
Je ne vous cache pas qu’il m’arrive de me demander d’où me vient cet optimisme inoxydable (teinté d’une indéniable mélancolie tout de même). Ces jours-là, je m’invective : « non, mais tu es sûre de vouloir rester optimiste ? Parce que là, ouvre les yeux, la situation est quand même assez catastrophique, désespérée même, je ne vois pas comment elle pourrait s’améliorer avec tout ce qui nous attend alors que tout s’est effondré, que l’imbécilité est au sommet, que la planète suffoque, que les êtres humains n’ont jamais été aussi discriminés et isolés… Tu veux vraiment la liste complète ? Elle est où ta lumière au bout du tunnel, hein ? Elle est où ? » « Oui, je sais, je sais tout cela, mais c’est plus fort que moi, j’y crois encore ! » Quand on y réfléchit un peu, c’est fou. Pour me l’expliquer, j’ose un raccourci comme je les affectionne – l’alternative m’amènerait à m’inscrire à une énième thèse, une par raccourci commis dans mes textes depuis des années –, l’optimisme vient du cœur, de l’âme, et non pas de la raison.
Il vient donc d’un endroit bien plus profond, bien plus intérieur, bien plus mystérieux, bien plus subtil, bien plus ancien que nos propres vies. Et évidemment, je lui fais confiance pour me montrer le chemin.