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Il est 20h ici (ce ne sera plus le cas quand je posterai ce texte). Les missions du jour ont été remplies avec succès. Tout le monde – enfin, ceux ayant un numéro de téléphone néo-zélandais – a reçu une alerte d’urgence du gouvernement à 18h30 rappelant qu’à partir de 23h59 ce soir (mercredi soir… il y a toujours 12h de décalage horaire avec la France), l’ensemble de la Nouvelle Zélande passait au niveau 4 de l’alerte COVID-19.
Le téléphone a émis un son étrange et totalement inédit – proche de l’alarme incendie mais pas de feu à l’horizon – que nous n’avons pas tout de suite identifié :
– C’est quoi ce bruit ? demande-t-elle depuis la cuisine
– Je ne sais pas, ça venait de l’extérieur je crois ! lui dis-je depuis la courette où je capte les dernières minutes de soleil de la journée
La bête a même rugi deux fois à 10 minutes d’intervalle. Et elle l’aurait fait une troisième fois j’imagine si je n’avais pas vérifié l’arrivée d’éventuels messages (pas spécifiquement du gouvernement) et découvert celui-ci :
« This message is for all of New Zealand. We are depending on you.
Follow the rules and STAY HOME. Act as if you have COVID-19. This will save lives.
Remember :
Where you stay tonight is where YOU MUST stay from now on.
You must only be in physical contact with those you are living with.
It is likely Level 4 measures will stay in place for a number of weeks.
Lets all do our bit to unite against COVID-19.
Kia kaha. »
Voilà voilà… Je note, dans ce texte plutôt sobre, que le « 4 semaines » annoncé lundi est subtilement devenu « number of weeks »… Certes, « quatre » reste un nombre. Comme hier et avant-hier, je dirais : chaque chose en son temps. J’ai d’ailleurs l’impression que depuis quelques jours, le futur n’existe plus. Non pas que je sois devenue pessimiste, mais, l’incertitude dans laquelle nous plonge cette pandémie fait que se projeter précisément à court et moyen termes n’a pas beaucoup de sens. Par conséquent, nous sommes obligés de vivre au présent, en restant évasif quant à la suite. Il se dit que c’est le meilleur moyen d’être pleinement satisfait de sa vie et dans sa vie. Vu sous cet angle…
Je reviens un peu sur les missions du jour car elles nous ont permis d’observer trois attitudes différentes mises en place par les lieux où nous sommes entrées. Le premier, une boutique informatique – achat de la dernière carte mémoire de 128 Go pour avoir une sauvegarde supplémentaire des photos faites ici, ramette de papier même si nous n’avons, pour l’heure, pas besoin d’attestation de déplacement dérogatoire : à la porte d’entrée, un vendeur ganté-masqué nous propose du gel hydroalcoolique avant d’aller poser nos petites mains sur les produits du magasin. Bien.
Un peu plus loin, dans une enseigne très connue ici où l’on trouve tout – pas en temps de crise cependant -, de la tente aux mitaines en passant par du dentifrice et des micro-ondes : chacun respecte la distance réglementaire dans la queue, on nous autorise à passer la porte un à un, il y a aussi un vendeur à l’entrée sauf que, dans ses mains, point de gel désinfectant mais un panier rempli de chocolats (empaquetés) dans lequel les clients patients plongent allègrement leurs mains… Youpi tralala ! « Ah ah ! No, thank you ! ».
Dernier lieu, un centre de santé, où, logiquement, l’on s’attend à ce que ce soit encore plus strict. Et effectivement, c’est presque un Alcatraz inversé… Pour pouvoir y entrer, il faut se nettoyer les mains avec le gel mis à disposition à l’extérieur du bâtiment ; sonner pour se faire connaître ; attendre que l’on vous autorise à entrer ; expliquer votre cas, à distance, à une première personne gantée-masquée ; vous nettoyer à nouveau les mains ; puis être autorisée à passer au guichet – comprenez, la caisse enregistreuse – en restant bien derrière la barrière, à 1 mètre d’une dame qui vous pose un tas de questions derrière une vitre épaisse de 5 mm. Pour payer, uniquement en carte bleue, il faut utiliser une tige – sorte de cure-dent droit ou allumette sans soufre – pour composer son code, histoire de ne pas toucher le terminal avec les doigts… La pharmacie attenante s’est, quant à elle, dotée d’une barricade temporaire en bois et polycarbonate pour assurer ses services. Tout passe par une petite fente, mais on peut payer en liquide… On se dit que, à l’issue de tout cela, un jour, non seulement nous aurons fait des progrès en anglais aux accents variés, mais aussi en compréhension : derrière un masque, derrière une vitre, à l’autre bout d’un interphone grésillant… !
Bref, tout cela ne nous a pas empêchées de visionner « Contagion » ce soir. Nous l’avions vu au cinéma quand il est sorti. « Plutôt pas mal non ? Et ça se développe vite, quand même, leur virus là… T’imagines s’il se passait quelque chose comme ça, en vrai ? Mais non, t’inquiète… » Le revoir aujourd’hui prend évidemment une autre dimension. Soderbergh, Bill Gates, ils avaient déjà tout prévu donc. Bref, pour compenser, dans la foulée, nous avons regardé le début de « Nuits blanches à Seattle » ! Un peu de love tout de même !