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Vous le savez, au fond de vous et même en surface, qu’elles ou qu’ils – vos chaussures préférées que vous avez traînées absolument partout comme si vous leur forgiez leurs propres souvenirs ; ce pull que vous adorez, que vous avait tricoté votre tante et qui vous avait fait découvrir l’existence d’un point poétique à souhait, le « jour contrarié », nom qui, par chance, n’avait absolument aucune incidence sur le contenu de votre journée quand vous le portiez ; ou encore ce T-Shirt bleu azur et blanc qui vous rappelle tant vos vacances dorées à Bora-Bora – vivent leurs dernières heures.
En réalité, cette réflexion-là, vous l’avez déjà eue l’an passé, à peu près à la même période, et peut-être même l’année précédente encore. Les condamnés réussissent toujours à glaner un peu de sursis… Vous vous disiez, après inspection générale dudit bien sous toutes ses coutures : « Non mais là, ça tiendra bien encore un an ! ». Et voilà, alors même que vous étiez presque prêt/e à vous en débarrasser définitivement, la chaussure, le pull et le T-Shirt regagnaient placard et étagères en retenant leur souffle.
De votre côté, vous étiez déjà en pleine auto-justification : « C’est simple, je ne les mettrai pas quand il pleut ! ». Parce que vos chaussures préférées ont aussi la semelle trouée en plusieurs endroits, le cuir complètement poreux et le scratch irrémédiablement défaillant. Même raisonnement pour le pull aux coudes troués de les avoir trop frottés à votre bureau – tout ce qu’il y a autour de ces trous est en bon état, alors, pourquoi gâcher ? – ; ainsi que pour le T-Shirt si élimé que l’on peut discerner vos grains de beauté à travers – après tout, le léger est à la mode et ce T-Shirt coûtera même plus cher qu’un neuf aujourd’hui, alors, à nouveau, pourquoi gâcher ?…
Sauf que voilà, un jour où, comme d’habitude, vous n’aviez pas vérifié la météo avant de vous extraire de votre douillet petit appartement, il s’est mis à pleuvoir. Pas cette ridicule pluie qui ne sert à rien d’autre qu’à vous énerver, non, une vraie pluie, qui mouille, vraiment. Or, à vos pieds, vous aviez vos chaussures préférées. Trouées, poreuses et ouvertes. Au début, vous avez tenté de les préserver en évitant flaques superficielles et autres gouttières éventrées. Soyons honnête, ces précautions ne vous ont pas du tout empêché d’avoir les pieds totalement trempés et les chaussettes affreusement recolorées. Ainsi, sur le chemin du retour, avez-vous dû vous rendre à l’évidence : c’était manifestement l’année de trop…