On ne sait pas trop par quel bout la prendre, cette photographie… Il y a des signes – des gens essentiellement, beaucoup même – et des indices – l’environnement dans lequel ils évoluent, leurs postures – en pagaille. Mais je l’aime ce fouillis pictural, cette atmosphère éthérée à la fois festive, mystérieuse, peut-être angoissante un peu aussi.
Malgré tout, je me dis, c’est dommage. C’est dommage de ne pas avoir déclenché une seconde plus tôt. Une seconde plus tôt, le lutin rouge à casquette actuellement au milieu de l’image se serait glissé dans la seule zone vide d’humain de la composition. Il aurait été entier ; la petite fille du premier plan n’aurait pas eu n fond perturbant le regard, et l’homme central en polo vert et lunette de soleil (qui, je n’ai pas encore compris pourquoi, me fait penser au T1000 de Terminator 2), n’aurait pas été tronqué lui non plus. Le regard serait passé d’une silhouette à l’autre sans s’arrêter.
Mais, qui peut réellement savoir ce qui se serait passé une seconde plus tôt pour les autres… La main de la femme au T-Shirt blanc aurait-elle été levée, comme ça, se démarquant nettement dans la fumée ? Le père du premier plan aurait-il eu la tête tournée, en tout cas suffisamment pour nous laisser deviner un sourire, et faire comprendre, par la même occasion, que ce qui se trame ici n’est certainement pas un drame ? L’homme à droite aurait-il eu son appareil photo ainsi levé et dirigé dans la direction opposée à celle vers laquelle les regards semblent se concentrer, accroissant encore un peu plus le mystère : pourquoi regarde-t-il dans cette direction alors que tout semble se passer de l’autre côté ? En fait, une seconde avant, la photo aurait peut-être été complètement différente et beaucoup moins intrigante…