tags: alcazar de Séville, azulejos, café, couleurs, espagne, temps, travail, vie, vitesse
Je ne sais pas si cela se passe comme ça aussi dans votre vie, professionnelle ou privée, mais peut-être plus professionnelle malgré tout, et, en réalité, il n’y a aucune raison pour que je sois privilégiée en la matière, mais j’ai la désagréable impression que la rapidité avec laquelle nous accédons aujourd’hui à n’importe quelle information ou n’importe quel contenu a une très mauvaise influence sur la perception que certains – appelons les, des donneurs d’ordres – peuvent avoir du travail et en particulier, du temps raisonnablement nécessaire pour réaliser un travail de qualité. Sous ce prétexte relativement récent qu’il suffit de quelques clics pour absorber tout le savoir du monde, d’aucuns croient que le monde est devenu un instantané géant, comme les soupes chinoises ou le café lyophilisé. Qu’en gros, il suffit d’un peu d’eau chaude pour que tout prenne forme, soit digeste, absorbable voire bon.
C’est un raisonnement très pernicieux qui nous place dans une position totalement absurde consistant à enfoncer des portes ouvertes comme, par exemple, rappeler que la Terre ne s’est pas faite en 7 jours, que les azulejos ne sont pas apparus comme ça, du jour au lendemain, sur les murs de l’Alcazar de Séville ou que, même pour le café soluble, il a fallu que la météo soit favorable à la croissance des caféiers, qu’ils donnent de belles graines, qu’elles soient récoltées, séchées, torréfiées, conditionnées, dispatchées, vendues, absorbées… En gros, l’eau chaude versée sur les petits grains marrons formant une montagne odorante au fond de notre gobelet biodégradable n’est que l’ultime étape d’une chaîne initiée des mois auparavant et que nous avons complètement gommée de notre conscience.
Avec le travail bien fait – qui est un noble objectif -, c’est un peu pareil : certains ont déjà oublié, bousculés par cette illusion d’immédiateté promise par la modernité et l’impatience qu’elle fait naître en chacun de nous, qu’il requérait réflexion – donc du temps -, prise de recul – donc du temps -, discussions croisées – donc du temps à nouveau, et d’autres choses encore du même acabit… Et contribuent ainsi, dans le même temps, à nier ce qu’est le travail lui-même, tout en s’étonnant que le résultat ne soit pas à la hauteur de leurs espérances. Preuve qu’ils n’ont même pas intégré leur propre mutation d’homme pressé. Ce qui est peut-être encore plus problématique car ce n’est pas leur propre fonctionnement qu’ils mettent en cause mais bien celui de ceux qu’ils sollicitent.