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A chaque fois que je me mets à ce texte, je me dis : « Allez, aujourd’hui, tu fais court ! »… Et je finis toujours par m’embarquer dans un récit au long cours… Serait-ce le grand jour ?
Je n’arrive en effet pas à me concentrer. Mon voisin du dessous s’est remis aux jeux vidéos en ligne, je l’entends grogner, crier, s’exclamer, invectiver ses amis imaginaires ou rigoler – ma grand-mère maternelle me reprenait gentiment quand j’utilisais ce mot parce qu’il faisait trop penser à la rigole, dans la rue, où l’eau s’écoule vers les égouts, et que ce n’était pas beau ; cela me plaît, aujourd’hui, d’avoir ce souvenir. Mais c’est trop facile de blâmer les autres quand tout, en réalité, dépend de soi.
Je garde un œil rivé aux infos néo-zélandaises, même si tout cela m’apparaît désormais très lointain. « We have won the battle » a annoncé la PM de Nouvelle Zélande, Jacinda Ardern, à ses compatriotes il y a quelques jours. Il n’y a plus de transmission du virus, mais la vigilance reste de mise. La Nouvelle Zélande sera ainsi l’un des derniers pays à avoir été touchés par le coronavirus – bénéficiant ainsi de l’expérience d’autres pays pour agir efficacement et éviter certains écueils – et l’un des premiers à l’éliminer – à l’inverse, allons-nous apprendre de lui pour savoir ce qu’il faut ou ne pas faire ? Et contre toute attente, je n’arrive pas à m’en réjouir totalement. Parce qu’une partie de moi – je ne sais jamais vraiment laquelle même si je l’invoque assez régulièrement, j’imagine que ça tourne – se dit que c’est une victoire à court terme, qui, d’une certaine manière, rendra l’île plus vulnérable à moyen et long terme. En tout cas, l’isolera encore plus du reste du monde.
Parce que la hantise, dès à présent, va être de voir réapparaître le virus à un point inattendu du pays, avec tout ce que cela impliquerait dans la foulée pour s’en débarrasser à nouveau. Les frontières restant fermées – sauf aux non néo-zélandais souhaitant rentrer et placés en quatorzaine stricte à leur arrivée –, le risque est limité dès lors que les personnes encore malades font preuve de bon sens et de responsabilité. Mais, dans le doute, le pays développe son appli de suivi des contacts pour retrouver plus facilement les personnes susceptibles d’avoir été exposées au COVID-19 (alors même que le virus ne circule plus donc).
L’Australie – le plus proche voisin, avec qui les relations sont naturellement très étroites, encore plus en ce moment sans doute – a déjà sauté le pas. Plus de 3,5 millions de personnes ont volontairement téléchargé COVIDsafe, appli assez proche de celle de Singapour (qui, après avoir été considéré comme l’un des pays à avoir le mieux géré la crise, subit actuellement une deuxième vague bien plus violente, touchant presque exclusivement les travailleurs migrants vivant dans des dortoirs surpeuplés). Et, selon la même logique que pour l’immunité collective, pour que cette stratégie de suivi numérique soit efficace, un maximum d’Australiens doit installer l’application. Ce qui pourrait, dans le cas contraire, faire passer son téléchargement de « volontaire » à « obligatoire ». Pour la sécurité de tous, évidemment. Sous couvert de cette sécurité donc – le mot à placer depuis septembre 2001 –, nous nous retrouvons, individuellement, à devoir accepter beaucoup.
Et tout cela est grandement facilité par notre adoption sans résistance des outils technologiques et de leurs fonctionnalités pratiques, smartphones en particulier, dont nous aurions désormais du mal à nous passer tant ils font partie de nos vies. Fin 2019, il y avait ainsi 5,1 milliards d’utilisateurs mobiles uniques dans le monde (1). L’impossibilité de se déplacer ces dernières semaines nous a d’ailleurs massivement fait basculer dans la virtualité, pour toutes nos démarches, tant professionnelles que personnelles. Certes, cela nous a aidés à conserver du lien, à en créer, à partager, à faire comme si, mais cela a produit tellement de données sur nos habitudes que c’en est vertigineux. Je repense à ce petit challenge, en apparence anodin, comme Facebook sait en créer – c’est comme la question de l’œuf et la poule d’ailleurs, ou du patient zéro pour rester dans le thème du moment, on ne sait jamais vraiment d’où sortent ces challenges qui finissent toujours par transiter par des contacts connus – qui proposait « d’inonder la toile » – c’est la formule consacrée pour capter l’attention – avec des photos de nous enfant… Voilà qui semblait bon enfant justement, sympathique et amusant, surtout en ce moment. Sauf que la médaille a son revers et que l’idée que toutes ces photos – le challenge a été massivement accepté – soient utilisées pour apprendre aux « Intelligences Artificielles » à étudier le vieillissement des visages a rapidement fait son chemin chez les plus avertis. A raison, sûrement. Rappelons-nous cette phrase qui devrait sonner comme une alerte incendie à chaque fois que nous sommes tentés : « si c’est gratuit, c’est que le produit, c’est vous ». J’écris cela tout en cédant parfois à la tentation, je l’admets.
Il y a quelques années, face à cette inquiétude à l’égard de l’essor démesuré et non probants des dispositifs de surveillance, certains répliquaient : « cela ne me dérange pas, je n’ai rien à me reprocher ! » Ont-ils changé d’avis depuis ? Encore une fois, tout dépend de l’usage réellement fait des données collectées et de la confiance de la population envers « son » gouvernement. A ce titre, la méfiance qui a entouré la sortie du générateur numérique d’attestation de déplacement dérogatoire en France est assez révélatrice de la fracture qui n’a cessé de se creuser entre le pouvoir et la population ces derniers mois… Selon un sondage BVA réalisé début avril, « s’ils étaient contaminés, 75% des Français accepteraient que l’on utilise leurs données individuelles de géolocalisation, cela afin de retrouver les personnes avec qui ils ont été en contact durant les quatorze derniers jours » (2). Chiffre (étonnant par ailleurs mais qui vient corroborer ce que j’écrivais plus haut) qui tombe à 51% dans l’éventualité d’une gestion de ces données par les pouvoirs publics…
Bref, tout cela soulève à nouveau des dizaines de questions. Et pour revenir à la situation en Nouvelle Zélande, même si la question dépasse allègrement ce cadre, qu’est-il préférable face à une menace ? La faire disparaître ou apprendre à composer avec ? A l’échelle d’un pays, je ne sais pas et ne peux simplement constater que la grande majorité des pays dans le monde n’aura pas le choix. Et devra surtout s’y adapter puisqu’éradiquer le virus, dans un temps court, n’est une solution réaliste que pour une minorité. Avec la tentation du repli sur soi déjà pointée du doigt…
Une part de mon adaptation passant par la migration, ce matin, j’ai repris, avec une certaine excitation, les recherches immobilières laissées en suspens en fin d’année 2019. Mots clés : maison (grande), terrain (grand), hameau, dépendances, potentiel (grand), Bretagne ! Allez, cap à l’ouest !
(1) https://www.lesclesdudigital.fr/un-rapport-detaille-lutilisation-du-telephone-mobile-dans-le-monde/
(2) https://www.lejdd.fr/Societe/geolocalisation-75-des-francais-favorables-a-lutilisation-de-leurs-donnees-en-cas-de-contamination-3959935?Echobox=1586068975