Hier, après avoir lu ma prose d’il y a quelques jours, une très très très bonne amie m’a envoyé une recette de gâteau au chocolat sans farine… Comme quoi, tout problème a sa solution ! Maintenant, reste à trouver du chocolat de ménage ! Ah ah ah !
Hier, j’ai aussi reçu un mail d’EasyJet me disant : « Bonjour Lou, Et si ce n’était que partie remise ? » puis en corps 32 au moins : « Jusqu’en février 2021, toutes les destinations à 39,60 euros. Mais pas pour longtemps ». L’offre valant pour des vols à partir de fin octobre. Evidemment, « on » se dit qu’en octobre, donc dans 7 mois, – une éternité non ? – la vie aura repris son cours « normal ». Alors même que les épidémiologistes s’accordent à dire que rien n’est moins sûr, que de nouvelles vagues de contamination touchent des pays où la situation s’était un peu améliorée, et que l’épidémie se développe, avec un peu de délai, dans d’autres jusqu’alors plus ou moins épargnés ou surveillés. Mais surtout, que signifie « normal » ? Est-ce « comme avant » quand cette pandémie nous montre, par les faits et non plus par les mots puisque ce n’est qu’en étant touchés directement et maintenant que nous semblons saisir et comprendre, à quel point le « avant » était bancal et non viable à long terme, aussi bien pour la planète que pour ses habitants ? L’« après » sera assurément différent, non ? Je n’y ai pas encore suffisamment réfléchi pour aborder ce point ici… Et même s’il est important de penser à l’après, sans savoir dans quelle temporalité nous l’imaginons, je préfère me concentrer sur aujourd’hui.
Voilà qui me fait penser à l’une des nombreuses blagues qui circulent actuellement sur les réseaux, histoire de décompresser un peu… Il s’agit d’un tableau rempli de lettres mélangées comme on pouvait en voir en temps antépidémique avec une consigne du style : les 3 premiers mots que vous lirez résument votre année à venir etc. Sauf que, dans le tableau du jour, qui doit prédire où vous allez aller en avril, les seules lettres sont N O W H E R E, dans cet ordre et quelle que soit la combinaison de lecture testée. Et étrangement, je n’ai pas lu nowhere – « nulle part », comme beaucoup de personnes ayant commenté le post –, mais now here. Ce qui ne veut pas du tout dire la même chose et serait même, à nouveau, une injonction à vivre au présent. Tout est toujours une question de perspective, de regard que l’on porte sur les choses, même communes. Now Here, ici et maintenant, carpe diem… Cela me refait penser au film de Peter Weir, « Le cercle des poètes disparus », vu à l’époque de sa sortie et qui a assurément marqué mon adolescence et celle vers qui je suis allée. Je souhaitais le citer l’autre jour mais je l’ai finalement zappé. Par autocensure je crois. Parce que, l’appel à la liberté énoncé par John Keating, le professeur de lettres, à profiter de l’instant présent, à regarder la vie sous différents angles en prenant de la hauteur, à aller vers soi, appel qu’embrassent certains de ses élèves, leur permettant d’atteindre ainsi une certaine forme d’éveil et d’élever leur conscience, ne saurait faire oublier le suicide de l’un d’eux, car tout le monde n’est pas prêt à entendre que la vie peut être différente, a fortiori à changer… Qu’il me revienne à l’esprit n’est sûrement pas anodin, et cette fois-ci, je ne fais pas de rétention d’information.
Breaking news : la personne adorable qui nous loue son appartement à Wellington nous envoie tout à l’heure ce texto : « you can also use the flour and backing products in the cupboard for baking » Ce à quoi je réponds dare dare : « did you read my lockdown story?? 🙂 ». « Yes 🙂 »… Bref, nous avons de la farine !! Le gâteau se rapproche de nous !
Je suis en train de filer un mauvais coton : j’écris ces textes la nuit venue et me retrouve à me coucher tard, ou tôt, c’est selon. Et ce n’est pas bon pour mon équilibre physique, a fortiori mental puisque tout est lié (j’y reviendrai). Cela me rappelle les années où j’alimentais quotidiennement mon site de duos photo-texte (si vous avez du temps, allez-y, il y a plusieurs milliers d’histoires, de questionnements, de réflexions, de bagatelles disponibles…). Il faut croire que la nuit est agréable pour écrire… Passons cette information organisationnelle. Je prends mes marques, comme tout le monde. Car ce ne sera pas une épreuve de sprint mais bien d’endurance. Que l’on soit ici ou ailleurs.
Il n’y avait plus de farine au New World. C’est un peu mon hémistiche moliéresque à moi. Donc pas de gâteau maison. Nous nous réjouissions à l’idée qu’une odeur de tarte aux pommes ou de gâteau au chocolat parfume l’appartement. Bref. En attendant, j’ai pris un paquet de sucre. Nous verrons en fin de semaine si la poudre blanche a fait son retour en rayons, mettant ainsi, en extase et sans danger aucun, des centaines de personnes. Dizaines plutôt, compte tenu du flux limité des clients autorisés à être simultanément dans le garde-manger collectif. Un par foyer, un entrant par sortant. J’en ai quand même vu faire la queue trois quart d’heure pour ne sortir qu’avec deux bouteilles de soda et une de limonade… Chacun sa façon d’occuper son temps !
Aujourd’hui (notion en devenir – ici, à cheval entre le 29 et le 30 mars), dans un monde alternatif à jamais disparu, nous aurions dû prendre l’avion pour Buenos Aires où nous devions passer 5 jours avant de rentrer à Paris et reprendre notre vie tranquillement, le cœur et l’âme remplis des merveilles de la nature côtoyées pendant 3 mois et une foule d’histoires qui se terminent bien à raconter. Nous avions déjà réservé un appartement dans un quartier central mais calme, et reçu les recommandations de plusieurs personnes quant aux précautions à observer dans cette ville, certes belle, mais un peu dure depuis la crise économique argentine. Le vol Buenos-Aires / Paris est le premier à avoir été annulé. Si je me remémore ce jour, pas si lointain, où la suite du programme a basculé, alors qu’il s’est passé mille choses depuis, je crois que cette annulation nous a soulagées, n’ayant pas particulièrement envie d’être bloquées à l’aéroport de Buenos Aires en cette période confuse de décisions précipitées et de chaos prévisible… Aujourd’hui encore, nous aurions dû prendre l’alternative trouvée par Air New Zealand à l’époque, un vol retour pour Paris via Singapour. Celui-ci a aussi été annulé quelques jours après et les vols non pris transformés automatiquement en crédit à utiliser dans les 12 mois. Même régime pour notre billet de train entre Wellington et Auckland, ville de départ supposée. Nous avons donc du temps devant nous… même si le gouvernement néo-zélandais a annoncé que les vols commerciaux ne reprendraient pas avant début juillet. Potentiellement trois mois de plus ici donc. Voilà comment la vie prend des chemins inattendus.
Nous sommes parties avec peu de livres, poids limité oblige. Mais il en est un – 716 pages tout de même ; cadeau fraternel, merci, merci ! – qui nous fait des clins d’œil tous les jours avec une certaine ironie mais aussi indéniable complicité : « Le voyage était presque parfait – Essai sur les voyages ratés » de l’anthropologue Jean-Didier Urbain. Page 42, dernière phrase de l’introduction de la 1repartie : « Bref, ce voyageur néo-moderne, qui préfère la bonne prévision à la bonne surprise, veut vivre et circuler dans un univers sensé : un monde de certitude, qui doit avoir un sens clair, précis, annoncé, par principe assuré ! C’est un mythe, bien sûr, mais il a le vent en poupe, la puissance de la norme, la banalité de l’habitude, la prégnance de l’évidence »… Ouf, nous ne sommes pas des néo-voyageuses !
L’automne s’installe à Wellington. Il a plu une bonne partie de la journée et ça continue. Encore et encore. Le monde tourne à l’envers, dans tous les sens du terme !
D’abord, pour ceux qui me lisent tous les jours, sachez qu’aujourd’hui, le gouvernement néo-zélandais a décidé de suspendre les vols liés aux « rapatriements » – officiels ou pas -, le temps de mettre en place une solution sécurisée pour acheminer les candidats au départ à l’aéroport. C’est louable de leur part. J’imagine que les vols commerciaux de Qatar Airways évoqués hier entrent dans cette catégorie. Je pense à ceux qui, malgré le prix, ont acheté leur billet en pensant tenir là une solution de retour assurée… Et au stress que cette nouvelle donnée doit générer. Parfois, il me semble plus sain et plus simple de ne pas lutter, mais d’accepter pour pouvoir s’adapter au mieux et plus vite, et ainsi rebondir sans secousse. Je crois que nous l’apprenons tous par l’exemple d’une manière ou d’une autre, et à des échelles variées.
Par ailleurs, les deux îles sont désormais coupées l’une de l’autre. Evidemment, elles l’étaient géographiquement. Mais désormais, plus de ferry, plus d’avion entre elles. (Comme nous avons bien fait de rentrer plus tôt !) Tant pis pour ceux qui n’ont pas regagné leur home sweet home dans les temps ! Tant pis pour ceux qui trekkent actuellement en pleine montagne, coupés du monde car sans réseau tout en lui étant intimement connecté – et ces zones sont loin d’être rares en NZ, même sans montagne –, et qui, en en sortant, vont découvrir le confinement et tout ce qui en découle. Un quatuor l’a vécu cette semaine même…
Depuis hier, chacun sur son île ! C’est singulier, une île. Par essence, n’est-ce pas déjà une forme de confinement, une île ? Je suis souvent allée à leur rencontre dans mes voyages, plus peut-être même que de continents. Pourquoi ? J’envisage cette question comme une énigme sérieuse et atemporelle à résoudre, même si, pour l’heure, je n’ai pas vraiment de piste ni d’idée. Enfin, si, j’en ai une, peut-être étais-je matelot sur une caravelle dans une vie antérieure, à l’époque des Grandes Découvertes ?
Mais revenons à des choses plus terre à terre pour l’instant ! Aujourd’hui, nous sommes allées nous ravitailler au Nouveau Monde. A 15-20 minutes de marche de notre appartement. Quasiment aucune voiture sur le trajet, une poignée de bus vides conduits par des chauffeurs masqués, des solos ou duos de piétons ici et là, – mais pas de quoi déclencher une crise d’ochlophobie ! -, allant / rentrant de leurs courses ou se promenant. Car, et c’est là notre salut : nous – le foyer – pouvons marcher, faire du vélo, aller à la plage, sortir le chien sans attestation papier à brandir, sans limite fixe de temps et, dans un rayon, certes local, mais non kilométré… Pour l’heure, le bon sens et la confiance sont de mise, la consigne étant : si vous croisez des gens, conservez une distance de 2 mètres entre vous. Ce qui est scrupuleusement respecté et se traduit par de drôles de ballets, des changements inopinés de trottoir, des arrêts intempestifs aux coins de rues – alaaarrrrmmmmeeee ! un autre être humain, que faire ? -, des changements de rythme, des déviations peu naturelles sur les sentiers… Que restera-t-il de ces stratégies d’évitement après tout cela ? En attendant, c’est surtout le silence qui domine lorsque l’on chemine dehors. A tel point qu’avant-hier, en allant faire notre marche quotidienne en forêt, nous chuchotions. De peur de gêner le silence…
Je pense à plusieurs choses en même temps mais je ne peux en écrire qu’une à la fois… Avez-vous déjà réalisé que lorsque l’on vit dans l’hémisphère sud, mieux vaut avoir sa maison au nord plutôt qu’au sud si l’on souhaite qu’elle soit arrosée de soleil, a minima réchauffée par lui ? Ou encore que les quartiers de Lune sont inversés – ainsi la Lune montante semble-t-elle descendre par rapport à notre référentiel nordiste ?
Cela n’a rien à voir, mais je pense aussi aux cinémathèques, musées, bibliothèques, salles de spectacles, radios, artistes et diffuseurs du monde entier – n’en déplaise à ma prof de français de 2nde qui détestait cette expression, « parce que si c’est le monde, il est forcément entier », bref – qui ouvrent exceptionnellement – et gratuitement – les vannes de leurs trésors respectifs désormais physiquement inaccessibles, et espère secrètement (plus maintenant…) que le confinement sera allongé pour pouvoir en profiter ! Le temps risque en effet de faire défaut avec toutes ces merveilles à portée de clics alors que je suis déjà ceinture noire de tsundoku, numérique ou pas !
Et puis, sur Facebook, où l’on rit, où l’on pleure, je viens de voir la photo Confinement-J9 d’une collègue photographe (Zeu Leny ;-)) : une boîte de conserve d’un pâté maison du Lot. Neurones miroirs activés, j’en salive presque. Je bascule immédiatement dans mon appartement, resté en France lui, et pense à nos bons pâtés venant tout droit du Périgord, confinés, eux-aussi, au fin fond de l’étagère du bas du meuble juste à droite de l’inductionnière. Il doit en rester 3 ou 4 boîtes. On en mangerait bien aussi…
Est-ce étrange d’être ainsi à 18 990,91 km de chez soi pendant cette phase de confinement et plus globalement de bouleversement planétaire ? Oui, je sais, c’est très précis, mais c’est distance.to qui le dit. Donc ? Loin de son propre lit, de ses livres, de ses vêtements (avec des pulls supplémentaires donc – cf mot d’un jour précédent pour l’écho), de cette latte de plancher qui craque après 22h43 quand on lui marche dessus, de ses tableaux accrochés aux murs, de son unique plante qui, peut-être, vit des heures terribles, de ses habitudes, de son cocon, de son monde à soi, de son univers… Et bien, oui et non. Oui parce qu’un nid est un nid. Nous aimons le nôtre et réciproquement. Non, parce que l’essentiel, nous l’avons et le portons en nous. J’ai toujours pensé ainsi et ce n’est évidemment pas aujourd’hui que cela va changer. Notre intérieur est bien plus vaste que le plus grand des appartements. Alors, plutôt que de chercher à retrouver mon chez-moi le plus tôt possible – Qatar Airways propose de nouveaux vols qui atteignent des sommes vraiment indécentes – et, j’ai l’impression, une certaine forme de chaos, il me semble plus judicieux et utile de choyer mon intérieur hic et nunc… Car, à l’intérieur, se trouvent tous mes souvenirs, toutes mes évasions, tous mes rêves, toutes mes élucubrations et tout ce dont je n’ai pas encore conscience, et que, c’est de là que naîtra demain.
Nous nous sommes donc réveillées confinées. Par conséquent, mon carnet de non confinement perd son « non »…
Nous sommes confinées comme les 5 millions d’habitants de ce pays. Et aussi comme 2,7 milliards d’autres personnes sur cette planète, soit un tiers de la population mondiale. Je l’écris, mais cela reste abstrait et difficile d’imaginer, concrètement, qu’un être humain sur trois est appelé à rester chez lui pour plusieurs semaines. Je me demande s’il existe d’autres exemples d’une telle proportion et découvre que, encore aujourd’hui, une personne sur trois dans le monde n’a pas accès à de l’eau salubre…
A l’autre bout du spectre, je me demande aussi si les milliardaires américains qui, ces dernières années, ont fait construire des abris de luxe pré- et post-apocalypse en Nouvelle Zélande, dans les montagnes de l’Ile du Sud essentiellement, sont là. La situation actuelle est-elle suffisamment catastrophique pour eux ? Je me demande où ils placent le curseur…
Et puis, je réalise que moi, je suis en Nouvelle-Zélande, dans ce pays choisi par ces personnes-là car elles estiment que c’est l’un des endroits les plus sûrs au monde. Si ce n’est le plus sûr. Certes, je ne suis pas installée dans un bunker, mais tout de même… Et à nouveau, malgré ce confinement embryonnaire et son cortège de restrictions, malgré cette très longue distance imposée avec les miens, je me dis que j’ai beaucoup de chance d’être là, en ce moment absolument sidérant pour tous mais vécu si différemment par chacun selon le pays dans lequel il se trouve et évidemment, à plus petite échelle, sa situation personnelle. Je dois ainsi dire qu’après avoir voyagé sur ces deux îles pendant 2,5 mois sans vraie interruption, vivant presque au jour le jour, pouvoir se poser « un peu » au même endroit est presque une bonne nouvelle… Je n’irai pas plus loin aujourd’hui. Distance de sécurité oblige.
Il est 20h ici (ce ne sera plus le cas quand je posterai ce texte). Les missions du jour ont été remplies avec succès. Tout le monde – enfin, ceux ayant un numéro de téléphone néo-zélandais – a reçu une alerte d’urgence du gouvernement à 18h30 rappelant qu’à partir de 23h59 ce soir (mercredi soir… il y a toujours 12h de décalage horaire avec la France), l’ensemble de la Nouvelle Zélande passait au niveau 4 de l’alerte COVID-19.
Le téléphone a émis un son étrange et totalement inédit – proche de l’alarme incendie mais pas de feu à l’horizon – que nous n’avons pas tout de suite identifié :
– C’est quoi ce bruit ? demande-t-elle depuis la cuisine
– Je ne sais pas, ça venait de l’extérieur je crois ! lui dis-je depuis la courette où je capte les dernières minutes de soleil de la journée
La bête a même rugi deux fois à 10 minutes d’intervalle. Et elle l’aurait fait une troisième fois j’imagine si je n’avais pas vérifié l’arrivée d’éventuels messages (pas spécifiquement du gouvernement) et découvert celui-ci :
« This message is for all of New Zealand. We are depending on you.
Follow the rules and STAY HOME. Act as if you have COVID-19. This will save lives.
Remember :
Where you stay tonight is where YOU MUST stay from now on.
You must only be in physical contact with those you are living with.
It is likely Level 4 measures will stay in place for a number of weeks.
Lets all do our bit to unite against COVID-19.
Kia kaha. »
Voilà voilà… Je note, dans ce texte plutôt sobre, que le « 4 semaines » annoncé lundi est subtilement devenu « number of weeks »… Certes, « quatre » reste un nombre. Comme hier et avant-hier, je dirais : chaque chose en son temps. J’ai d’ailleurs l’impression que depuis quelques jours, le futur n’existe plus. Non pas que je sois devenue pessimiste, mais, l’incertitude dans laquelle nous plonge cette pandémie fait que se projeter précisément à court et moyen termes n’a pas beaucoup de sens. Par conséquent, nous sommes obligés de vivre au présent, en restant évasif quant à la suite. Il se dit que c’est le meilleur moyen d’être pleinement satisfait de sa vie et dans sa vie. Vu sous cet angle…
Je reviens un peu sur les missions du jour car elles nous ont permis d’observer trois attitudes différentes mises en place par les lieux où nous sommes entrées. Le premier, une boutique informatique – achat de la dernière carte mémoire de 128 Go pour avoir une sauvegarde supplémentaire des photos faites ici, ramette de papier même si nous n’avons, pour l’heure, pas besoin d’attestation de déplacement dérogatoire : à la porte d’entrée, un vendeur ganté-masqué nous propose du gel hydroalcoolique avant d’aller poser nos petites mains sur les produits du magasin. Bien.
Un peu plus loin, dans une enseigne très connue ici où l’on trouve tout – pas en temps de crise cependant -, de la tente aux mitaines en passant par du dentifrice et des micro-ondes : chacun respecte la distance réglementaire dans la queue, on nous autorise à passer la porte un à un, il y a aussi un vendeur à l’entrée sauf que, dans ses mains, point de gel désinfectant mais un panier rempli de chocolats (empaquetés) dans lequel les clients patients plongent allègrement leurs mains… Youpi tralala ! « Ah ah ! No, thank you ! ».
Dernier lieu, un centre de santé, où, logiquement, l’on s’attend à ce que ce soit encore plus strict. Et effectivement, c’est presque un Alcatraz inversé… Pour pouvoir y entrer, il faut se nettoyer les mains avec le gel mis à disposition à l’extérieur du bâtiment ; sonner pour se faire connaître ; attendre que l’on vous autorise à entrer ; expliquer votre cas, à distance, à une première personne gantée-masquée ; vous nettoyer à nouveau les mains ; puis être autorisée à passer au guichet – comprenez, la caisse enregistreuse – en restant bien derrière la barrière, à 1 mètre d’une dame qui vous pose un tas de questions derrière une vitre épaisse de 5 mm. Pour payer, uniquement en carte bleue, il faut utiliser une tige – sorte de cure-dent droit ou allumette sans soufre – pour composer son code, histoire de ne pas toucher le terminal avec les doigts… La pharmacie attenante s’est, quant à elle, dotée d’une barricade temporaire en bois et polycarbonate pour assurer ses services. Tout passe par une petite fente, mais on peut payer en liquide… On se dit que, à l’issue de tout cela, un jour, non seulement nous aurons fait des progrès en anglais aux accents variés, mais aussi en compréhension : derrière un masque, derrière une vitre, à l’autre bout d’un interphone grésillant… !
Bref, tout cela ne nous a pas empêchées de visionner « Contagion » ce soir. Nous l’avions vu au cinéma quand il est sorti. « Plutôt pas mal non ? Et ça se développe vite, quand même, leur virus là… T’imagines s’il se passait quelque chose comme ça, en vrai ? Mais non, t’inquiète… » Le revoir aujourd’hui prend évidemment une autre dimension. Soderbergh, Bill Gates, ils avaient déjà tout prévu donc. Bref, pour compenser, dans la foulée, nous avons regardé le début de « Nuits blanches à Seattle » ! Un peu de love tout de même !
En fait, je ne suis pas sûre que la tempête suivra…
La matinée est administrative… Essayer – et réussir ! – de joindre l’Ambassade – qui nous conseille de remplir le formulaire évoqué hier, ce que nous faisons en précisant que nous ne sommes pas dans une situation désespérée. Contacter un médecin pour un renouvellement d’ordonnance et espérer qu’il répondra. Commencer à remplir les documents de l’immigration pour étendre notre visa qui expire le 9 avril. Interrompre le – long – processus car il nous faut, pour le valider, récupérer telle et telle preuves, en France… Et puis, lire en toute fin de journée sur le site dédié au covid-19 créé par le gouvernement que les détenteurs de visas temporaires expirant entre le 1eravril et le 9 juillet, ce qui est notre cas, le verront prolonger jusque fin septembre. Nous devrions prochainement recevoir un mail nous le confirmant. Ce serait une très bonne nouvelle, indépendamment de cette projection à fin septembre qui nous semble tout de même un peu excessive. Mais bon, un pas après l’autre…
Tout est déjà si calme dehors alors même que le confinement ne commence officiellement que demain (mercredi) à 23h59, bref, jeudi. 95% des boutiques sont fermées. Dans ce contexte, auquel il faut ajouter le fait que nous ne connaissons pas la ville sous l’angle shopping, dénicher un pull ne va pas être facile. Il n’y a quasiment personne dans les rues. Et quand d’aventure, nous croisons d’autres spécimens de notre espèce, nous nous éloignons subtilement les uns des autres, histoire de respecter les 2 mètres conseillés. Nous avons beau savoir que ces étapes font déjà partie du passé de nombreux pays dans le monde, le constater et le vivre soi-même est assurément différent. A y regarder de plus près, seuls les restaurants tenus par des étrangers – turcs, chinois, japonais… – sont encore ouverts. En plus des supermarchés et des pharmacies. Celles-ci ont d’ailleurs mis en place un système de protection maximal : personne ne peut y entrer ! A la porte, une personne gantée et masquée se tient derrière une table et gère les demandes les unes après les autres. Nous récupérons au passage une liste de centres de santé acceptant de nouveaux patients. Apparemment, on ne peut débarquer à l’improviste chez un médecin ici…
Dans la rue, les messages de prévention défilent, en petit, en grand. Celui que j’ai choisi pour illustrer cette journée – Be Kind – est symbolique d’une certaine douceur que nous percevons en Nouvelle Zélande, même si je ne veux pas idéaliser ce pays que je ne connais qu’à travers mes yeux de touriste é(mer)veillée. Après tout, à Auckland, il y avait apparemment la queue aujourd’hui chez un armurier, à tel point que le gérant a appelé la police. Nous sommes pourtant loin des Etats-Unis ! Certains commentateurs font l’hypothèse que leur but est plutôt de pouvoir chasser le gibier, si jamais les choses venaient à se corser, que leurs congénères. Le fait que cela soit aussi la razzia du côté des cannes à pêche tendrait à leur donner raison…
Bref, je trouve très honorable et humble aussi, qu’en ces circonstances exceptionnelles où d’autres appellent à la guerre, un gouvernement fasse de la bienveillance, de la gentillesse, de la générosité, de l’hospitalité entre chacun un maillon essentiel de la gestion de crise. A bon entendeur…
C’est fou tout ce qu’il peut se produire en une journée ! Je l’écris tout de suite et remonterai le temps aussitôt pour commencer par le commencement : notre petit-déjeuner à l’auberge, à 9h27. Donc, tôt dans l’après-midi, Jacinda Ardern, la Première Ministre, a annoncé le passage immédiat de la Nouvelle-Zélande au stade 3 et, dès mercredi, au stade 4. A savoir un confinement direct de 4 semaines. Voilà, c’est écrit.
Maintenant, flash-back. De la confiture de fraises sur mes tartines, un café et des céréales. A ma droite, Jay est revenu sur Terre. Et le retour est rude. Il a achevé hier la traversée de l’île du Nord à pieds, soit 1 600 km en 2 mois et 4 jours (il avait parcouru les 1 400 km de l’île du Sud il y a 2 ans). Vous auriez vu ses yeux pétillants de bonheur et d’émotion hier soir ! De la beauté pure au milieu de ce chaos mondial ! Pour rester concentré sur son objectif, il n’a pas voulu se laisser polluer par le coronavirus. Ce matin, les yeux rivés à son téléphone, il est comme ses voisins à sonder comment rentrer en Europe, le tout avec beaucoup de philosophie cependant – le plus important étant ce qu’il vient de vivre…
Louise – une française arrivée il y a 2 semaines avec un WHV*, c’est-à-dire avant que tout ne prenne une nouvelle tournure – se prépare à aller à l’Ambassade de France où elle espère trouver des réponses. Même plus que des réponses, une solution pour rentrer. Je ne sais combien il y a de Français actuellement en Nouvelle-Zélande, mais les messages de personnes dans des situations plus ou moins complexes et ubuesques se multiplient sur les réseaux sociaux et IRL, id estles cuisines et salons des auberges de jeunesse. Des jeunes n’ayant pas les ressources financières pour rester alors que les emplois diminuent de jour en jour. D’autres, ayant déjà déboursé des milliers d’euros pour racheter un billet d’avion, finalement annulé et non remboursable… Certains, dans l’impossibilité de vendre leur van puisqu’il n’y a plus de nouveaux entrants et donc pas de monnaie d’échanger pour acheter un éventuel vol retour… Nous nous rendons nous aussi à l’Ambassade. Non que nous voulions rentrer à tout prix mais nous voulons faire les choses correctement auprès de l’immigration. Un groupe d’une quinzaine de personnes est en bas de l’immeuble. Louise nous apprend qu’onne veut pas les laisser monter. Au bout de quelques minutes, un homme travaillant au rez-de-chaussée nous explique que nous ne pouvons pas rester… Personne ne bouge. Persuadée que nous n’aurons pas de réponse ici, nous filons vers ce que nous pensons être des bureaux physiques du service de l’immigration, à quelques rues de l’Ambassade. Mais ce ne sont que des bureaux. Toujours chargées – nous migrons vers l’appartement que nous allons louer le temps que cela se calme -, nous poursuivons notre chemin dans cette ville qui nous plaît et dans laquelle nous nous faufilons déjà avec une certaine aisance… L’heure est encore à l’insouciance modérée (je me lave quand même les mains bien plus souvent que d’habitude, même si je suis allée à bonne école – une mère infirmière – et que je m’y applique très régulièrement sans la pression du corona (ah ah).
Et puis là, après des détours, un passage à la librairie pour voir s’ils ont le livre de Mia Farlane, Footnotes to sex, et quelques photos, au beau milieu d’un carrefour, nous nous retrouvons nez à nez avec une famille française rencontrée il y a quelques semaines à Kaikoura, sur l’île du sud, et avec laquelle nous avions échangé. Eux-mêmes se retrouvent là après quelques circonvolutions inutiles. C’est inouï, le monde est tellement petit parfois – nous le vivons certes d’une autre manière en ce moment, mais quand même… Elle est étrange, cette joie inédite ressentie en rencontrant des camarades de galère ! Ils viennent de se faire gentiment mettre à la porte d’un Flight Center où ils venaient de trouver des billets d’avion retour pour le 1eravril (c’est-à-dire, avec une probabilité d’annulation élevée) sans trop savoir s’ils devaient rester, partir, rester, partir… Leur situation est encore différente : ils ont fait un échange de maison avec une famille néo-zélandaise, qui, compte tenu de la situation en France, retourne chez elle et veut donc récupérer sa maison, alors que la réciproque n’est pas possible. C’est une autre forme d’angoisse, surtout avec deux jeunes enfants. Mais cette rencontre inopinée, et heureuse, vient s’ajouter à ma liste de coïncidences me faisant de plus en plus croire que le hasard n’existe pas. Un couple – de Français, mais ai-je encore besoin de le préciser ? – rejoint notre discussion sur le bout de trottoir… Nous sommes désormais 8 à le partager. Dans quelques heures, ce regroupement sera interdit… Ils étaient à l’Ambassade d’où quelqu’un est finalement descendu car les personnes du rez-de-chaussée menaçaient d’appeler la police afin de déloger le groupuscule de français révolutionnaires… Ils « travaillent » à trouver des solutions nous relaient-ils, créent un formulaire en ligne pour recenser les personnes voulant rentrer en France, mais n’ont pas de solutions d’hébergement à proposer à ceux qui sont dans une situation délicate autre que le site sosuntoit.fr de solidarité entre Français à l’étranger, mais malheureusement saturé de demandes en Nouvelle-Zélande… Chacun finit par partir dans la direction qu’il doit suivre à court terme, non sans un échange préalable de coordonnées.
De notre côté, nous arrivons à notre refuge. Nous nous installons tranquillement, savourons la chance que nous avons d’être là puis déjeunons en écoutant le point quotidien du gouvernement annonçant les nouveaux cas du jour. Vers 14h20, nous rassemblons nos sacs, vides, pour aller faire des courses. C’est à ce moment que je découvre le message de Louise, envoyé 40 minutes plus tôt, nous apprenant que la Nouvelle-Zélande passe au stade 3 – immédiatement – puis au confinement – sous 48h. Avant-hier, nous n’en étions qu’au stade 2… La semaine dernière, nous randonnions près d’un glacier. Comment les choses peuvent-elles aller aussi vite ? Le Ministre de la Santé a annoncé l’existence de 102 cas confirmés lors de sa communication, dont deux pour lesquels l’origine de la transmission n’a pu être retracée avec certitude. Ce sont ces deux cas qui ont tout précipité car potentiellement des cas de transmission communautaire, donc hors des espaces où sont confinées les 100 autres personnes (si j’ai bien compris), donc la preuve que le virus circule peut-être dans le pays. La suite, vous la connaissez… La décision de Jacinda Ardner est d’ailleurs largement saluée. Mais nous parlerons politique plus tard (ou pas). Là, il devient urgent d’aller faire quelques courses. Nous n’avons plus rien à manger. Direction le New World. Ce nom n’offre-t-il pas des perspectives plus réjouissantes qu’un Auchan, Carrefour ou Leclerc ? Quand nous sommes arrivées à Auckland en janvier, j’avais pris une photo de l’enseigne seule avec le ciel me disant que cela pourrait toujours servir… Voilà… Une petite queue est déjà formée, on nous fait entrer au compte-goutte, dès qu’un client sort. Evidemment, c’est très étrange et décontenançant de passer, en un si court laps de temps, d’une vie quasi normale à une vie ainsi régulée. C’est notre tour. A l’intérieur du Nouveau Monde donc, tout le monde est calme. Fait ses emplettes sans empressement. Des petites mains s’affairent à remplir les rayons en continu, de telle sorte, qu’hormis le gel hydro-alcoolique en rupture de stock dans tout le pays, il ne manque rien. La PM a d’ailleurs rappelé plus tôt qu’il fallait faire ses courses normalement, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que tout était bien organisé. Et Jacinda Ardner, on la croit sur parole. Alors, nous faisons nos courses normalement, comme si nous étions chez nous. A ce détail près qu’il n’y a pas de Floraline ici, et que, pour moi, tant qu’il y a de la Floraline, tout va. Nous ferons donc sans et tout ira quand même.
Sur le retour, nous sentons bien que quelque chose a changé dans l’atmosphère. Ce ne sont pas seulement les embouteillages, plutôt étonnants à cette heure, mais aussi la façon dont les gens s’affairent, se regardent. Ceci dit, il en est autant qui semblent poursuivre leur route comme s’ils ne savaient pas ou que cela ne changeait rien. Nous voyons ce que nous voulons voir… Voilà, nous arrivons à notre refuge – je vais continuer à l’appeler ainsi, car c’est ce qu’il est devenu… encore plus à l’heure tardive à laquelle j’écris ces mots où un déluge s’abat sur la ville. Demain, dernier jour avant le confinement, il serait opportun que nous nous achetions chacune un pull avant que les boutiques de vêtement ne soient jugées inutiles, c’est-à-dire, après demain. Nous sommes parties avec peu de vêtements et plutôt des vêtements légers. Or, l’automne est clairement là dans ce monde à l’envers et, bientôt confinées, nous aurons besoin de chaleur… Pas que humaine.
* Working Holiday Visa (PVT = Programme Vacances Travail en français)
Suite à l’ascenseur émotionnel d’hier, bien géré cependant, et une arrivée nocturne mais réconfortante à Wellington, aujourd’hui dimanche, c’est relâche ! Après avoir bavardé avec quelques voyageurs plus ou moins anxieux à l’auberge, nous décidons de ne pas nous poser de questions – ce qui est plutôt une bonne chose et un vrai défi – et de laisser passer la journée tranquillement. D’autant que, de toute évidence, elle ne nous apportera pas plus de réponses. Pour l’heure, le seul fait d’être sur l’Ile du Nord, et en particulier à Wellington, la capitale, nous suffit et nous rassure (non que nous soyons inquiètes). Cela peut en effet être utile de n’être plus qu’à quelques minutes de marche de l’Ambassade, du Service d’immigration, des bureaux de compagnies aériennes, versus de vaines heures d’attente au téléphone, des dizaines de kilomètres et un Détroit à passer.
Voici donc les faits : nous sommes le 22 mars et en Nouvelle Zélande depuis le 10 janvier ; notre vol pour Paris via Singapour, initialement prévu le 30 mars après un premier changement, est annulé ; les alternatives n’existent quasiment plus – l’Australie accepte encore 2 jours les transits de moins de 8h dans sa zone internationale et ensuite, ferme tout – ; les cas augmentent en Nouvelle Zélande – 67 désormais ; il est recommandé aux Français en voyage de rentrer au pays – vos récits et les prévisions pour les prochains jours / semaines ne donnent pas vraiment envie d’insister et puis, techniquement, l’étau se resserre – mais à ceux qui le peuvent de rester ici – on parle d’interruption des vols jusqu’au 30 juin a minima. Tout cela sera encore d’actualité demain car, pour une fois depuis plusieurs jours, nous avons la sensation que le temps s’est arrêté et nous offre un peu de répit pour respirer. A moins que cela ne soit notre posture vis-à-vis des événements qui évolue…
Ceci dit, nous nous extrayons quand même de notre chambre dans l’après-midi pour tâter le pouls de la ville et récupérer la clé de l’appartement où, peut-être, nous devrons séjourner plus longtemps que prévu. Le soleil est au rendez-vous, nous avançons de façon presque insouciante. En février, lorsque nous avions découvert Wellington, les rues étaient très animées. Enfin, au moins jusqu’à 18h, heure à laquelle presque tous les commerces ferment en Nouvelle-Zélande. Voilà qui nous a décontenancées plus d’une fois d’ailleurs mais garantit, a priori, une vie extra-professionnelle plus riche et équilibrée. Aujourd’hui, les rues sont quasi désertes, tout comme les quais, nombre bars et restaurants sont fermés, les musées aussi… Le confinement n’a pourtant pas été proclamé. Seulement, les gens semblent avoir bien intégré le conseil simple donné par le gouvernement : « rester chez vous ». Nous nous disons, naïvement croyez-vous ?, que, même si le virus continue à se développer ici – ce qu’il fera assurément -, la gestion de la crise sera peut-être plus proche de ce qui a été mis en œuvre, avec succès, à Taïwan, Hong Kong ou en Corée du sud, que dans les pays latins…
En fin de journée, avant de regagner notre chambre à l’auberge de jeunesse, nous faisons une incursion dans la forêt toute proche de notre futur refuge. Histoire de prendre le vert et de humer les essences purificatrices des eucalyptus qui nous accompagnent discrètement depuis notre arrivée sur ces îles. Chaque chose en son temps. Demain arrivera bien assez vite !
Ce qui s’est passé aujourd’hui vient parfaitement confirmer ce que j’écrivais hier… Ne pas se projeter ! Même à un jour… Nous venons d’arriver à Wellington. Avec 3 jours d’avance donc.
En fin de matinée, après avoir à nouveau parcouru les différents sites officiels (Ambassade de France en Nouvelle Zélande, Immigration, Gouvernement, compagnies aériennes, compagnie du ferry…) et continué à lire les récits de Français tentant, en vain ou à grands coûts, de s’envoler vers des cieux moins cléments mais hexagonaux par les rares voies aériennes encore ouvertes – et où ce sont finalement les mêmes informations qui s’échangent sans que l’on puisse réellement s’empêcher de les lire une énième fois -, nous avons préféré retourner plus rapidement sur l’île du Nord.
Deux éléments déclencheurs à ce twist final : un post évoquant des « rumeurs » de cessation des traversées du ferry entre les deux îles – ce qui compliquerait quand même un chouia la situation – et le discours – quotidien – de la Première Ministre à 12h n’annonçant rien de nouveau mais rappelant que tout pouvait changer du jour au lendemain. Après avoir décidé que le temps de l’errance était vraisemblablement terminé, il nous a fallu quelques minutes de plus pour acheter deux billets pour le dernier ferry du jour – demain, c’était complet et après-demain, un futur trop lointain -, réserver deux nuits à Wellington – et recevoir dans la foulée un mail de l’auberge prévenant qu’elle n’acceptait pas les personnes en quatorzaine -, appeler l’auberge où nous devions passer les deux prochaines nuits pour annuler – comme partout dans le monde, les acteurs du tourisme sont très touchés -, tout mettre dans la voiture – en vrac, nous rangerons plus tard -, puis parcourir les 134 kilomètres – un peu moins de 2h – qui nous séparent de Picton, d’où part le bateau et où nous devons être à 17h40 au plus tard, après avoir, bien sûr, rendu, par anticipation, la voiture au loueur… Ces circonstances exceptionnelles obligent à penser et à agir vite et efficacement. Fort heureusement, nous sommes en phase sur la marche à suivre. Nous quittons donc Nelson comme si nous fuyions une tornade imminente… C’est très étrange de finir ce voyage ainsi.
Nous arrivons en avance au Terminal du ferry. Avec deux sacs à dos de 50 l, un autre de 30 l, deux duvets, une tente et des petits sacs satellites de victuailles et autres ingrédients du quotidien du voyageur autonome. En récupérant nos billets, on nous dit que nous aurons presque le ferry pour nous toutes seules – c’est le milieu du week-end, il est tard, les néo-zélandais préfèrent la lumière du jour. Et pourtant, quand deux personnes – des Françaises dont l’une a réussi à trouver un vol après-demain à Auckland (11h de bus depuis Wellington) pour la Polynésie, où elle vit – se présentent pour acheter un billet, on leur explique qu’il y a de nouvelles restrictions et qu’on ne peut plus leur en vendre. Il leur faudra presque aller jusqu’aux larmes – non feintes – pour obtenir le précieux sésame malgré tout. Cet épisode délicat nous confirme toutefois que nous avons probablement bien fait de nous hâter…
A bord du ferry, il n’y a effectivement pas la foule de l’aller. On ne peut plus payer en cash – pour ne pas faire circuler de pièces -, des agents s’activent à désinfecter en continu les rambardes, fauteuils, tables… Quelques personnes portent des masques, d’autres toussent, certains vont se mettre à l’abri sur les ponts balayés par les vents. Sans être lourde, l’atmosphère est chargée. Comme à l’auberge hier soir ou ce matin. Chacun plongé dans ses questionnements et doutes. Car si, sur nos écrans tactiles, nous voyons défiler la vie de personnes confinées chez elles, ici, la configuration est diamétralement opposée puisque nous sommes tous loin de chez nous.
Je sors prendre l’air et quelques photos. Je sors aussi pour saluer l’île, dont les côtes peuvent être visibles depuis l’île du nord par temps clair. Un rien nous sépare, mais le rien fait parfois une grande différence…
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
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