Cette expression, vous l’avez sûrement déjà entendue, voire même proférée vous-même, machinalement, comme souvent avec les expressions communes, et surtout, sans vraiment vous demander si elle avait un sens ou pas. En l’occurrence, « regarde moi dans les yeux » n’en a absolument aucun pour la simple et bonne raison que c’est physiologiquement impossible : nos deux yeux ne peuvent en effet pas regarder les deux yeux d’une autre personne, ils convergent forcément vers l’un ou vers l’autre, même si le fait de se concentrer sur le gauche ne nous empêche pas de voir le droit pour autant, et inversement. « Regarde moi dans l’oeil » serait donc plus correct scientifiquement, sans impliquer que vous soyez un cyclope pour autant, mais, j’en conviens, l’entendre débarquer dans une conversation serait assurément décontenançant…
Je l’ai notée dans mon carnet tant cette phrase, lancée à voix haute par un patient patient dans une salle d’attente de cabinet médical – pas de psychiatrie je précise -, s’est révélée à la fois juste, simple, belle et totalement impromptue. J’ai un faible pour ces décalages du fond et de la forme… L’homme, à la retraite – oui, il est des gens qui se racontent facilement dès lors qu’ils ont un auditoire attentif bien que silencieux et planqué derrière un magazine vieux de 3 ans ou un smartphone au flux continu de nouvelles fraîches -, ajoute : « On n’y pense pas, mais c’est tellement important ». L’ancien graphiste a raison – oui, il a aussi précisé son métier -, les yeux, quand on y pense, c’est important.
J’y ai d’ailleurs pensé intensément en prenant cette photo, ou plutôt, en observant cette scène de la vie courante : des sièges dans un train en premier plan, des voyageurs attendant le leur sur un quai extérieur en arrière plan. Cette banalité apparente est un leurre. Tout du moins, pour la boîte à images. L’œil mécanique se heurte en effet au « trop » – trop sombre ou trop lumineux – et exige des compromis : privilégier la scène extérieure pour ensuite découvrir un intérieur fortement assombri, ou, faire la part belle à l’intérieur et ainsi voir les silhouettes du fond se désagréger dans un excès de lumière. Une limite technique qui, heureusement, se comble aisément en prenant et assemblant deux photographies (ce que j’ai fait ici). Deux images qui ne font que montrer ce que nos yeux, en toute modestie, nous offrent à voir en un seul regard sans nous demander de choisir entre les détails des banquettes ou ceux du quai, parce qu’ils sont capables de tous les discerner en une fois. Robert – non, il n’a pas livré son prénom, je l’ai juste baptisé pour l’occasion – avait raison : les yeux, c’est merveilleux…
Tout d’un coup, alors même que je n’étais ni en train de rêver, ni d’halluciner, ni sous l’emprise détonante d’un cocktail mangue – poire – cranberries, ni même dans un parc d’attractions, alors que j’étais tranquillement en train de déambuler dans la grande pomme, cet EPNI – être poilu non identifié – a sauté dans mon champ visuel ! J’ai juste eu le temps de prendre cette photo au passage, me doutant bien que mon témoignage serait facilement remis en question sans preuve formelle !
Moi qui croyais presque passer inaperçue derrière mon viseur… Que d’illusions perdues ! C’est un peu comme l’autruche qui plonge sa tête dans le sable en pensant – même si imaginer qu’une autruche puisse penser peut sembler étonnant – qu’ainsi, on ne la remarquera pas. Sauf que cette idée, qui les fait par ailleurs passer pour de stupides animaux depuis Pline l’Ancien, est fausse. Si elles enfoncent bien leur tête dans la terre, c’est surtout pour aller y puiser quelques vers et autres friandises protéinées, voire se protéger des tempêtes de sable… Logique imparable !
De fait, si je cale mon œil derrière le viseur de mon appareil, ce n’est pas pour disparaître aux yeux de mes prédateurs potentiels mais bien pour prendre une photo. Parfois en tentant d’être discrète face à des inconnus, comme ici. Et en échouant, comme ici aussi. Ceci dit, cet échec-là a du bon. Car en saisissant mon intention de l’extraire de ce miroir à facettes et en me fixant ainsi avec ce regard démultiplié à la fois interrogateur et bienveillant lançant des « je t’ai vu, je t’ai vu, je t’ai vu me regarder » à l’envie, Pierre – appelons-le Pierre, il a une tête de Pierre non ? – m’a offert une composition inespérée : un ricochet d’œillades que Virginie – oui, appelons-là Virginie, elle a une tête de Virginie non ? – est venue compléter non sans une certaine méfiance, lui lançant, à lui, une salve de « je t’ai vu, je t’ai vu, je t’ai vu la regarder »… A posteriori, c’est-à-dire maintenant, j’en suis toute ébaubie !
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