Il n’avait rien vu venir… Un soir de juin 1984, il s’était allongé sur ce rocher de grès rouge entre Twyfelfontein et le massif de Brandberg. Il avait son casque vissé sur la tête d’où s’apprêtait à résonner Les Planètes de Gustav Holst. Ce soir-là, William avait décidé de compter les étoiles car il n’en n’avait jamais vu autant en une fois. Après avoir appuyé sur le bouton Lecture du walkman que lui avait offert son père pour ses 18 ans, il avait commencé le recensement : 1 étoile, 2 étoiles, 3 étoiles, …, 148 étoiles, …., 2432 étoiles, …, 7379 étoiles… Holst avait achevé ses sept mouvements depuis belle lurette et William s’était lui-même endormi d’épuisement, toujours le regard pointé vers le ciel. Mais il avait continué à compter les étoiles pendant son sommeil et ne s’était jamais réveillé. La légende dit que, certains soirs de juin particulièrement stellaires, en collant une oreille sur son corps désormais pétrifié, on l’entend encore compter… 38 485 984 257, 38 485 984 258, 38 485 984 259…
Souvent, on grimpe aux arbres. Ou aux branches. Ou tout du moins, on essaye. Mais il n’arrive que très rarement que l’on puisse entrer dedans…
Oui, je sais, généralement, nous faisons plutôt des rêves prémonitoires : un phénomène toutefois très inhabituel, souvent dérangeant pour ceux qui les font car rarement positif, encore difficilement compréhensible scientifiquement et suggérant presque que le voyage dans le temps existe… Mais il ne s’agit pas de cela. Aujourd’hui, j’ai bien fait un rêve postmonitoire. Qui plus est, en plein jour. Là, je marchais tranquillement en pleine campagne quand, tout d’un coup, flash ! Je vous vois cogiter…
Si un rêve prémonitoire consiste à rêver de quelque chose qui va réellement se produire dans le futur sans que cela puisse être le fruit d’une quelconque anticipation, un rêve postmonitoire porte, en toute logique, sur un événement du passé – comme la grande majorité des rêves me lancerez-vous, et à raison – dont nous n’avions, jusqu’à lors, absolument aucune connaissance.
Bref, j’ai donc rêvé que la femme avait déjà posé le pied sur Mars il y a 39 ans, seulement une poignée d’années après les premiers pas de l’homme sur la Lune (petits joueurs…), et que cela ne s’était jamais ébruité pour plusieurs raisons, dont la concomitance semble tout bonnement invraisemblable : compte tenu du coût de l’opération et des énormes risques encourus – que d’aucuns auraient jugé inutiles -, tout avait été organisé dans le plus grand secret ; l’entièreté de l’équipe impliquée avait ensuite été victime d’un étrange virus, un microbe de charbon probablement, avant même de pouvoir annoncer au monde, forcément entier, l’exploit intragalactique fraîchement accompli ; enfin, un incendie – combustion spontanée manifestement – avait mystérieusement ravagé leurs locaux ne laissant aucune trace de cette aventure, assurément la plus extraordinaire de l’humanité depuis la nuit des temps ! Il ne me reste plus qu’à le prouver maintenant !
Chemin faisant, ils ont atteint le bord de l’eau, glaciale, et, plutôt que de faire demi-tour au pied de ce mastodonte basaltique, sans prononcer le moindre mot, sans s’échanger un quelconque regard, ils se sont enfoncés plus encore dans cette dense fumée de mer jusqu’à disparaître entièrement…
Il est certaines personnes qui semblent poser naturellement tant leur façon d’être au monde et aux éléments paraît, paradoxalement, maîtrisée et préméditée. Ainsi en est-il de cet homme perché sur sa roche volcanique, que je ne connais absolument pas et dont je ne peux m’approcher sans me faire remarquer qu’à la faveur du vacarme ambiant qui perfore le silence de ses incessants éclats tonitruants et couvre toute autre manifestation sonore. En l’occurrence les bruits éventuels de mes déplacements et celui, avéré, du déclenchement de ma boîte à images. Je n’espère qu’une chose : capter cette osmose, cet échange non verbal, méditatif, contemplatif entre cet être aux cheveux de jais et cet océan habité, et ainsi saisir cette étrange juxtaposition entre la paix qui émane de lui et l’excitation marine. Curieusement, le regarder regarder ces vagues venant s’échouer avec fracas sur ces sculptures de magma saisi par le froid est incroyablement reposant.
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Share on Facebook… au bout du couloir… Suffit de trouver l’interrupteur… 6 Share on Facebook
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