Savez-vous ce que je me suis dit en passant au dessus de la Staromestská à Bratislava et en regardant à gauche ? « Oh, on dirait une soucoupe volante ! » Peut-être avez-vous eu exactement le même réflexe d’ailleurs ! La remarque pourrait sembler totalement anodine. En réalité, elle est loin de l’être car en se faisant cette réflexion, nous affirmons que nous reconnaissons ici, dans cette forme particulière, à cette altitude là même si cela ne lévite pas, quelque chose que pourtant la quasi totalité d’entre nous – j’intègre l’humanité entière – n’a jamais vu et dont nous – en particulier la communauté scientifique – ne sommes même pas certains de l’existence… N’est-ce pas étrange d’avoir une idée préconçue de ce à quoi ressemble ce qui n’a pourtant jamais été observé ?
Est-ce la même question qui vous brûle les lèvres ? Dans cette pyramide renversée, ou plutôt inversée, siège de la radio slovaque à Bratislava, où se trouve le bureau du chef ? A la base, en bas donc, à l’ombre, sous le poids de tous les autres, les « inférieurs » – au même titre que l’on parle de « supérieur hiérarchique » ? – s’affairant au-dessus ou bien, en haut, à l’étage le plus large et le plus clair, au même niveau que de nombreux autres collègues ? Et, puisque nous en sommes là, dans quelle mesure l’architecture de bureaux est-elle politique – vérification faite, ce bâtiment date de l’ère communiste – ainsi que le reflet des méthodes de management et de la manière dont s’exerce le pouvoir entre ses murs ?
Je l’ai notée dans mon carnet tant cette phrase, lancée à voix haute par un patient patient dans une salle d’attente de cabinet médical – pas de psychiatrie je précise -, s’est révélée à la fois juste, simple, belle et totalement impromptue. J’ai un faible pour ces décalages du fond et de la forme… L’homme, à la retraite – oui, il est des gens qui se racontent facilement dès lors qu’ils ont un auditoire attentif bien que silencieux et planqué derrière un magazine vieux de 3 ans ou un smartphone au flux continu de nouvelles fraîches -, ajoute : « On n’y pense pas, mais c’est tellement important ». L’ancien graphiste a raison – oui, il a aussi précisé son métier -, les yeux, quand on y pense, c’est important.
J’y ai d’ailleurs pensé intensément en prenant cette photo, ou plutôt, en observant cette scène de la vie courante : des sièges dans un train en premier plan, des voyageurs attendant le leur sur un quai extérieur en arrière plan. Cette banalité apparente est un leurre. Tout du moins, pour la boîte à images. L’œil mécanique se heurte en effet au « trop » – trop sombre ou trop lumineux – et exige des compromis : privilégier la scène extérieure pour ensuite découvrir un intérieur fortement assombri, ou, faire la part belle à l’intérieur et ainsi voir les silhouettes du fond se désagréger dans un excès de lumière. Une limite technique qui, heureusement, se comble aisément en prenant et assemblant deux photographies (ce que j’ai fait ici). Deux images qui ne font que montrer ce que nos yeux, en toute modestie, nous offrent à voir en un seul regard sans nous demander de choisir entre les détails des banquettes ou ceux du quai, parce qu’ils sont capables de tous les discerner en une fois. Robert – non, il n’a pas livré son prénom, je l’ai juste baptisé pour l’occasion – avait raison : les yeux, c’est merveilleux…
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Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
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