Photo-graphies et un peu plus…
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Dès que l’épris de cinéma pose les pieds sur le sol de la Cité des Anges, il n’attend presque qu’une chose : le voir. Ce fameux panneau, qui n’en est pas vraiment un, flanqué sur l’une de ses arides collines. Neuf lettres géantes et blanches, fièrement gonflées comme une bulle de chewing-gum. H.O.L.L.Y.W.O.O.D. Ces lettres, symbole d’un monde en soi, des « il était une fois » à rebondissements, il les a vues des centaines de fois sur des écrans de toute taille, des petits, des grands, à tel point qu’elles en sont devenues une image rêvée plus qu’un extrait de la réalité, à en douter même de leur existence. Alors, quand, enfin, au hasard d’un croisement, le mythe apparaît, discrètement, en arrière plan, tel un figurant magnétique, l’émotion est sincère et la rencontre maladroite. La boîte à images immobiles est arrachée à son écrin, comme s’il y avait urgence, comme si les lettres pouvaient filer ou la brume tomber instantanément sur elles, vite, vite, « On », l’objectif sort à son rythme, c’est bon, elles sont toujours là, vite, vite, déclencher en guise de présentation, pour se prouver à soi-même qu’il ne s’agit pas d’un mirage, ni d’une simple image…

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En ville, concentrée sur les immeubles, les maisons, les bâtiments, je suis régulièrement confrontée à un problème photostentiel : les voitures ! Celles qui roulent, créant un premier plan disgracieux ; celles qui sont garées, tronquant l’appréciation des rez-de-chaussée voire premiers étages ! Dans les deux cas, cette présence métallique fait naître une question récurrente : comment cadrer ? Question d’autant plus vive si la juxtaposition visuelle des deux – voiture / bâtiment – semble créer un paradoxe temporel. Je m’explique : des voitures de 2011 dans les rues du quartier français de La Nouvelle Orléans, dont les maisons ont été érigées au 18e siècle. Bon, et bien, à mes yeux, ça jure ! Ni fait, ni à faire. Rien que pour cela, le quartier devrait être piétonnier, ce qui permettrait à ses visiteurs d’en apprécier la beauté surannée sans se contorsionner !

De fait, vaut-il mieux tronquer le bâtiment à sa base pour éviter l’enfilade de carcasses modernes et ainsi composer un plan, un peu bancal il faut l’avouer, à partir du premier niveau ? Faut-il faire fi de ces voitures, qui, après tout, font partie de ce monde et du présent, et les intégrer naturellement à la vue ? Et faut-il vraiment attendre, au carrefour, ces quelques secondes où le temps s’arrête, où le feu est encore rouge d’un côté et pas encore vert de l’autre, pour déclencher ? Malheureusement, c’est une vraie question. Photostentielle, donc c’est moins grave. Car, si aujourd’hui, ce décalage chronologique est gênant, il y a fort à parier qu’il ne le sera plus dans 20 ans. Ces voitures-là seront passées du côté de l’histoire, la grande, celle du temps qui passe, qui voit les êtres et les choses disparaître, et c’est l’ensemble qui deviendra alors documentaire – « Oh, elles étaient comme ça les voitures, avant ! » -, et, d’un certain point de vue, intéressant ! Mais, au présent, finalement, voiture ou pas ?

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… un propriétaire de voiture peut, aux Etats-Unis, personnaliser sa plaque d’immatriculation. 25 $ très précisément. Ce n’est pas beaucoup, surtout si on convertit en euro, ce qu’ils ne font pas puisqu’ils sont Américains. Alors, à côté de BOB 1 (oui, encore lui), BOB 2, BOB 3 qui laisse subtilement entendre que Bob a au moins trois voitures, des CAR4U, ou encore des BOBANDME, il y a les philosophes, les auto-suffisants (ah, ah !), les poids lourds de la pensée.

Ainsi en est-il du conducteur de la voiture à laquelle appartient cette modeste plaque : POWER. Puissance donc, et pourtant, il ne s’agit pas d’une voiture électrique. Cinq petites lettres capitales qui dessinent instantanément et de façon caricaturale le bonhomme. Une femme ne choisirait pas ça, si ? Le mot, pas l’homme. Une masse, mélange de muscle et de graisse – la bière, c’est terrible ! -, des mâchoires carrées et souvent serrées – pas besoin de plus avec les onomatopées -, une assurance sans faille qui lui permet de clamer des énormités sans jamais avoir peur du ridicule. Le genre de type qu’un bon steak et des patates ravissent. D’ailleurs, il est éleveur et amateur de rodéo. Enfin, quand j’écris amateur, j’entends pratiquant. Power, quand même ! Il sait comment les mater, les bêtes ! Enfin, moins maintenant, à cause de la bedaine… La bière. Alors, pour s’occuper et faire travailler son bras gauche, il va au Casino de l’Etat voisin. Régulièrement. Il y a un jeu de rodéo dans le coin, là-bas. Il lui rappelle l’arène. Même s’il esquisse un sourire quand les lumières de la machine se mettent à clignoter, il a gardé son air rustre et patibulaire. Ah oui, et il a des poils sur le torse ! Ceci dit, je préfère l’humour, même involontaire, d’un power en grosses lettres, que le sérieux angoissant de prêcheurs motorisés se baladant en Mustang…

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C’est bien beau d’utiliser les capots lustrés des voitures pour éviter de se contorsionner lorsque l’on veut photographier les sommets de la ville, mais ce détournement peut engendrer quelques sursauts… Parfois, en cherchant son cadrage idéal, on se sent étrangement épié. Non par les badauds qui s’interrogeraient sur la raison de cet intérêt pour un banal capot (en se demandant, pour certains, s’il n’est pas un prélude à un menu larcin), mais plutôt par quelque chose venant de l’intérieur, de derrière le pare-brise. Au volant ou même à la place passager. Une silhouette se dessine progressivement entre les reflets des branches. Un visage penché vers la vitre, légèrement incliné pour mieux vous voir… Lorsque vos regards se croisent, légèrement décontenancé, vous n’êtes alors capables que d’un seul geste : montrer alternativement le capot et l’immeuble à plusieurs reprises, en espérant que l’observateur saisira votre objectif !

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La photo de route, un genre en soi, que l’on soit conducteur ou passager ? « Faire de la route » peut en effet conduire à voir des paysages qu’en d’autres circonstances, par exemple pédestres, l’on immortaliserait. La route. Parfois véritable tranchée dans un paysage uniforme dont on se lasse assez rapidement (ou pas). Parfois chemin serpentant à travers des espaces vallonnés laissant, à chaque virage, entrevoir de magnifiques et inédites perspectives. Le paysage. Parfois, il nous accompagne des kilomètres durant, laissant à chaque observateur, le temps de bien s’en imprégner. Parfois, ce qui attire l’œil est furtif, presque subliminal. Une petite rivière gelée en contrebas s’enfonçant dans des bois épars, des chevaux dont la silhouette se dessine au sommet d’une colline… Le temps de les montrer aux autres et il a déjà disparu.

Trois solutions se présentent à soi : avancer et garder en mémoire ces espaces admirés ; s’arrêter – ce qui peut difficilement se faire sur une autoroute sauf si l’on se trouve au Nouveau Brunswick notamment – pour rattraper au vol cette image filante – une opération qui peut se répéter un certain nombre de fois dès lors que l’on s’est auto-autorisé à le faire une fois ; et enfin, déclencher, tant bien que mal, depuis derrière la vitre, soit en confiant le volant au copilote pendant quelques secondes lorsque l’on est conducteur (si, si) tout en veillant à ne pas accélérer car la scène est vraiment exaltante, soit, plus simplement, parce que l’on est passager et porté par un flux sur lequel on n’a aucun pouvoir. Ce qui est le cas de cette image, prise derrière une vitre teintée et striée de traces de poussière orientées dans le sens du mouvement d’un bus nécessitant 72 heures pour traverser un seul et unique pays…

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Je ne parle pas de la pluie, qui, à n’en pas douter, s’abat sur cette détonante ville de La Valette, bien que nous ne la voyions pas. La pluie. Mais de l’action. La précipitation. Cet enchaînement qui consiste à extraire son appareil de sa protection, à l’allumer (sans oublier d’ôter le cache, ce qui arrive souvent dans ces situations), à faire ses réglages à qui mieux mieux, à cadrer un minimum (sinon, la précipitation s’avère totalement inutile) pour réussir à capter ce qui est déjà en train de fuir et qui est, sur le moment, absolument indispensable à immortaliser.

En l’occurrence, l’ensemble formé par ce duo protégé par ce pavillon maltais et la cabine téléphonique anglaise rouge vif, la vraie, dans ce méandre d’escaliers, de pont et de doubles niveaux. Une sorte de déclaration de double nationalité impromptue et décalée. La cabine est effectivement un résidu de la présence britannique sur ce petit caillou à mi-chemin entre l’Europe et l’Afrique du Nord, où l’on continue aussi à rouler à gauche comme au pays de sa majesté, mais un peu plus à la manière du sud, approximative, avec envolées, embardées et coups de klaxon… Une cabine, figée comme le passé, immuable, qui résiste au changement. Et un parapluie arborant fièrement la Croix de Malte et paradant dans la ville, comme le sceau du présent.

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