Photo-graphies et un peu plus…

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Il est des gens qui voyagent seuls par choix (pour être l’unique maître à bord, par exemple, et ne pas avoir à tenir compte des désidératas des uns et des autres) ou par absence de choix aussi (un célibat temporaire, une solitude non assumée, des dates de vacances incompatibles…). Voyager seul a ses avantages (liberté, flexibilité, blablabla) et ses limites : personne à côté de soi, d’intime, de proche, avec qui partager ses sensations, ses émotions ; personne à regarder, l’air entendu – celui qui sait la chance qu’il a -, face à un paysage à couper le souffle ou une situation totalement inédite ; personne, des années après, pour que cette phrase : « Tu te souviens comme c’était beau quand on était… » remporte un quelconque écho… Telle est la frustration la plus facilement exprimée, et partagée, par les vagabonds solitaires.

Ceci dit, voyager à deux n’est pas toujours la panacée ni la garantie de vivre des instants de félicité. Et il arrive parfois que le partenaire d’errance, cet être cher, ne soit pas celui que l’on imagine spontanément. Comme là. Face à cet océan tumultueux, à cette côte nimbée d’une fine couche d’embruns venant flirter avec la forêt toute proche. Ce n’est pas avec son mari, pourtant assis juste à côté, que madame s’extasie devant les éléments mais avec son chien, qui a la bienveillance de regarder dans la direction que lui indique sa maîtresse. Et voilà qu’elle lui parle, tout en lui montrant les vagues cassant sur la plage, les mouettes prises dans le vent… La femme n’en finit pas de murmurer à l’oreille de ce chien, qu’elle tient tout contre elle et à qui elle offre la totalité de sa tendresse disponible, laissant sa moitié officielle sur le ban des oubliés, derrière. Accorder plus d’attention à un animal qu’à un être humain, qui plus est présent, fera toujours naître en moi une sensation étrange, mélange d’incrédulité, d’incompréhension et d’effroi…

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Chacun son truc, mais il y a de fortes chances que ce monsieur soit en train de réaliser un vieux rêve… Vous savez, ces petites choses que l’on imagine de temps à autres tout en sachant qu’elles n’arriveront probablement jamais : « si un jour, j’ai la chance de marcher sur la Lune, et bien, je croquerai dans un croissant ! ». Ce monsieur-là au crâne dégarni avait, visiblement, des envies plus terre à terre – voire mer à mer. Un principe de réalisme tout à fait salutaire car plus à même d’éviter la frustration consécutive à la non réalisation d’un rêve fou ou inaccessible, ce qui peut, par ailleurs, être le propre d’un rêve. Voilà donc ce à quoi il avait pensé, un soir comme un autre de l’hiver 95 – très rigoureux – où il n’arrivait pas à se réchauffer malgré les bûches qui flambaient dans la cheminée depuis le début de l’après-midi et l’épais pull bariolé en laine de lama qu’une amie lui avait ramené d’un voyage au Pérou quelques années auparavant : « là, si je pouvais être quelque part, n’importe où, ce serait au milieu de l’océan pacifique, à Hawaii, en train d’admirer le coucher du soleil, une cigarette au bec et un café à la main ! ça, ce serait le vrai bonheur ! » Voilà, c’est chose faite – ce qui n’était pas si compliqué finalement – : notre homme peut désormais barrer cette ligne sur sa liste CAFAMUFODAVI

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Tout était pourtant extrêmement bien préparé… J’avais les bonnes chaussures, les bonnes chaussettes aussi – c’est important quand on s’apprête à marcher 5 heures – ; j’avais prévu le pique-nique à mi-parcours sur la plage à mâter les surfers défiant, non pas des vagues géantes, mais les basses températures du Pacifique nord ; j’avais aussi la bouteille d’eau additionnelle pour les petites soifs pendant la rando qui comptait quelques belles montées et d’aussi belles descentes ; j’avais des barres de céréales revigorantes à dévorer à l’arrivée pour repartir du bon pied et la certitude que ma batterie serait encore pleine à ce moment, car le point de vue d’en haut se devait d’être splendide. Enfin, c’est pour cette promesse de beauté que je m’étais engagée sur ce chemin serpentant entre vues plongeantes sur un océan bleu intense, à quelques dizaines de mètres en contrebas, brillant de mille éclats, à l’immensité aussi subjuguante qu’irréelle et forêt pluviale sombre où les rais forts du soleil arrivaient toutefois à se frayer subtilement un passage, éclairant intensément fougères ou autres plantes vertes tapissant un sol idéalement meuble pour la colonne, vertébrale, comme la poursuite, l’auteur d’un one man show sur une scène de théâtre.

Le dernier kilomètre se faisait d’ailleurs sous cette chape un brin humide, maintenant, jusqu’au bout, le plus grand secret sur l’horizon. Cet horizon même où il devait se détacher. Ce petit phare en avant poste sur un rocher à quelques encablures de la côte. Une curiosité dans cette région. L’objectif de cette marche. Plus que quelques mètres, satisfaction, le chemin s’ouvrait sur le bleu de l’océan, palpitations, et à l’horizon, point de phare mais une bande de brume épaisse ne laissant rien deviner de ce qui se tramait derrière. Il était là pourtant, je le cherchais du regard, scrutais la cime des arbres en espérant une rafale qui balayerait toute cette ouate, je croquais une barre de céréales pour lui donner le temps de filer, vidais ma bouteille, piétinais, faisais même quelques étirements, et comme si je n’étais pas là pour ça, mais rien. Rien ne s’était passé. Le brouillard s’était installé et le phare ne s’était pas montré. Il ne me restait plus qu’une chose à faire, demi tour. A ruminer cette ironique déconvenue, cette rencontre avortée. Ce pied de nez météorologique, ce contretemps, ce temps contre moi, pire, qui se joue de moi : arrivée en bas, la brume s’était dissipée et le phare, des plus classiques, s’était dévoilé…  Prouvant, une nouvelle fois, qu’il est important d’apprendre à vivre avec cette idée que le point que l’on atteindra à l’issue du chemin ne sera pas forcément celui que l’on attendait, ou espérait, malgré les jalons, malgré les efforts, malgré les certitudes. Et ainsi d’apprendre à vivre sur le chemin et à l’apprécier tel qu’il est. Car, en toute honnêteté, elle est plutôt belle cette vue tri-bandes et même plus énigmatique et originale que celle que j’étais venue voir.

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Il est étrange d’entendre des gens s’exclamer : « C’est le paradis ! » car, s’ils y sont – et a fortiori, si on y est, puisqu’on les entend – c’est, qu’ils sont au moins morts. Et malheureusement, nous avec. Tout comme l’on se fait une idée de « Dieu » alors que personne ne l’a vu, on en élabore une du paradis dont, a priori, personne n’est jamais revenu. Il suffit de lancer une petite requête par images sur le moteur de recherche aux deux O pour s’en rendre compte. Ainsi, sur cette planète bleue, bien vivante même si toussotante, le paradis est-il souvent associé à cette longue plage de sable blond bordée de palmiers desquels tombent, à toute période, de délicieuses noix de coco, et sur laquelle cassent de magnifiques vagues d’une mer assurément chaude aux eaux turquoises et poissonneuses, le tout, cerné par une nature luxuriante et accueillante… Un passage par Hawaii donne donc, en théorie, un aperçu de cette énigmatique image d’Epinal. Et, il faut l’admettre, très agréable.

Ce voyage devrait d’ailleurs être prescrit à chacun d’entre nous au moins une fois dans notre vie, pour que nous soyons en mesure de déterminer si  nous voulons réellement y aller. Après. Certains auraient peut-être en effet une vie totalement différente s’ils pouvaient tester le paradis terrestre. C’est vrai, le soleil, la plage, les cocotiers, ça en fait rêver beaucoup mais ça ne plaît pas à tout le monde. Il en est qui ne supportent pas la chaleur par exemple, qui détestent le poisson cru, qui s’énervent de trouver encore des grains de sable dans leurs chaussures un an après être allés à la plage où ils se sont d’ailleurs ennuyés à mourir… Oups, pardon. Non, décidément, le paradis peut ne pas être un but en soi.

L’alternative ? L’enfer. Qu’il faudrait pouvoir aussi tester pour les mêmes raisons. Etrangement, une recherche équivalente sur le double O ne donne pas de photographies, à l’instar du paradis, mais des dessins, des peintures, des collages, des affiches de films, des bulles de BD, en somme, des représentations d’un univers que l’on imagine aisément rouge, sanglant et monstrueux. Comme si l’enfer ne pouvait exister sur Terre. Passons sur cette mise en miroir aberrante mais, de fait, instructive… Seulement voilà, Enfer, c’est justement le nom du canyon ci-dessus, où serpente cette rivière, maléfique certainement, au creux de cette belle vallée verdoyante et de ces montagnes encore arborées. Hell’s Canyon en VO. Cet enfer là n’a rien d’effrayant ni de repoussant. Il n’est ni rouge, ni sanglant, ni monstrueux. Au contraire, il donne envie de l’arpenter.

Je suis bloquée : j’ai aimé l’enfer, j’ai aimé le paradis. Alors, que faire ? Vivre, en attendant.

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– A quelle heure est le lever du jour demain ?

– 5h39 !

– C’est tôt… (La motivation prend un coup, mais le désir de le voir se lever sur l’océan l’emporte.) Bon, tu mets ton réveil ?

– Ok.

5h39, 5h39, 5h39, 5h39… je me répète cette heure comme une poésie au vers unique et m’endors… Pour me réveiller à 5h39. Normal vous dites-vous, le réveil a sonné tout simplement. Et bien non. J’ai ouvert les yeux naturellement, me suis redressée promptement sur mon lit comme si je devais prendre mon quart sur le pont dans 3 minutes et ai regardé l’heure. 5h39. Le réveil n’a pas encore sonné. Il ne le fera pas. C’est étonnant comme parfois, notre corps se transforme en horloge, comme il nous sort simplement des bras de Morphée quelques minutes avant l’heure alors qu’il nous sait effrayé à l’idée de ne pas entendre le réveil et ainsi de rater tel entretien, examen ou vol…

Dehors, c’est l’aurore. C’est calme. C’est frais. J’emporte ma veste, empoigne mon appareil et je sors. Car la contrainte est un peu photographique aussi. Une partie de moi se dit qu’il est facile de faire de belles photos lorsque l’on est dans un cadre naturellement splendide. Il suffit d’être là. Alors je m’impose un effort, comme pour mériter de pouvoir assister à ce spectacle magnifique. De cette heure où le soleil a rendez-vous avec la lune, l’un et l’autre séparé par un monde, que dis-je, une terre… Quand notre satellite tire sa révérence derrière l’horizon dans des couleurs pastels, l’astre brillant monte lentement, sortant les grands moyens, des rayons ardents mais pas encore suffisamment pour réellement chauffer cet espace refroidi par la nuit. Chaque minute qui passe met en lumière un nouvel élément du décor, comme s’il était soudainement l’élu des dieux. Ainsi en est-il de ce rocher, bien connu des mouettes locales qui, recroquevillées sur elles-mêmes, attendent cet instant où le soleil daignera leur accorder quelque attention, leur redonnant vie pour la journée par la même occasion. Sur la plage, le cœur est déjà chaud.

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Le Wifi de nos jours, c’est un peu comme le Coca Cola, on en trouve partout, même au milieu de nulle part et dans les endroits les plus reculés au monde. Et pourtant, cette fois-ci, au cœur de cette magnifique Olympic Peninsula bordant la côte nord américaine de l’océan Pacifique, un simple « aucun réseau disponible » s’est gentiment affiché comme si on annonçait qu’il n’y avait plus de glace à la vanille dans le congélateur. Je le savais, mais j’ai quand même vérifié, avant d’accepter – très facilement en fait – ce sevrage de trois jours, cette coupure totale du monde extérieur et finalement de profiter pleinement de cette Nature sauvageonne et intacte dont l’homme moderne n’a pas les codes et que même les mythiques Bald Eagles, partie intégrante du tableau, ne peuvent qu’admirer.

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La terre a chaud, elle sue, elle craque. L’océan a froid, il saisit, il plombe. L’atmosphère. Ces deux-là n’arrivent pas à s’entendre. Elle montre les crocs, il lui répond en grondant. Terre et océan se repoussent l’un l’autre avec tant de force qu’émerge de cette joute naturelle un étonnant blanc nuage de colère. Qui, progressivement, ne fait qu’épaissir le mystère de cette contiguïté. Dispute thermique. C’est chaud !

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