Photo-graphies et un peu plus…

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J’ai fait la maligne, il y a deux jours, avec cette histoire de pluie diluvienne à propos de laquelle j’annonçais fièrement que, non seulement, elle ne me dérangeait pas, mais qu’en plus, je lui trouvais beaucoup d’atouts ! Ma nuit passée m’oblige à revenir sur certains éléments…

Vous savez, c’est un peu quand on se dit : « Tiens, ça fait longtemps que je n’ai rien cassé ! » et que, le lendemain, on fait un faux mouvement en racontant une histoire, et que, porté par l’enthousiasme, on envoie valser un verre, qui se brise alors en mille morceaux sur le carrelage… Une partie de nous ne peut s’empêcher de se demander si le verre aurait pu être épargné si l’on n’avait pas eu cette pensée la veille. Ce soir, je me demande donc si l’inondation dont a été victime ma très charmante chambre amstellodamoise sous verrière poreuse par temps de pluie acharnée et gouttière bouchée aurait pu être évitée si j’avais écrit autre chose…

Donc, je complète mon propos : oui, j’aime les grosses pluies, mais non, je n’apprécie pas particulièrement qu’un goutte à goutte se transformant en filet d’eau continu me réveille en pleine nuit, m’obligeant à écoper, éponger, déménager… Donc, dans l’hypothèse où la fiction a une certaine prise sur la réalité, je voudrais également préciser ce soir que j’adore les vacances au soleil, même si ça fait un peu cliché !

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Je me souviens parfaitement de ma réaction en débarquant sur cette plage de Waikiki : une étrange sensation d’être entrée dans une affiche publicitaire sans m’en rendre compte… Vous savez, de celles qui, en hiver voire aux prémices d’un été nommé désir, vous narguent dans les couloirs parfois suintants et glauques du métro parisien, tel un idéal inaccessible.

Tout relève tellement du cliché – les cocotiers et leurs ombres marbrant le sable blanc et fin, l’eau turquoise où l’on s’imagine déjà voir jusqu’à ses orteils posés sur un sol vierge, le ciel bleu ponctué de nuages dessinés au pinceau, les touristes nonchalants sur leurs transats, les parasols aux couleurs vives, la blanche colombe posée sur le rocher au premier plan… – que la supercherie paraît inéluctable. Où est le directeur de la photographie, la cantine des figurants, où sont les spots lumineux, les décorateurs et filtres de couleurs ? Où est la preuve que tout ce décorum n’a été créé qu’à des fins mercantiles ? Pour vendre des bikinis, des alcools forts ou des vacances de rêve… Nulle part. Aussi artificiel qu’elle semble l’être, cette image n’est que le fruit d’une lointaine réalité. Je suis dans le rêve de quelqu’un d’autre. Et je le saurai bien assez vite…

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Cinq minutes après le décollage pour la première plongée, autant avant l’atterrissage pour la seconde… Mer d’huile et terres artificielles contre océan de verdure et tapis de colza. Comme ces deux mondes semblent littéralement aux antipodes l’un de l’autre ! Un monde totalement nouveau, sortant tout droit des dunes du désert imbibé d’or noir, certes encore embryonnaire mais suffisamment avancé pour laisser filtrer sa folie des grandeurs, sa démesure, son inaccessibilité… D’en haut, un vaste chantier que l’on imagine aisément contre-nature et en même temps, fascinant. Face à cet animal étrange à l’appendice pustulaire mais probablement réservé aux hyper-nantis, impossible pour nos mignonnes petites maisons aux toits pentus de brique rouge, toutes collées les unes aux autres pour mieux se tenir chaud et entourées d’une forêt combattive mais sans cesse grignotée, de ne pas prendre un sacré coup de vieux… Le voyage a beau être géographique, curieusement, il revêt aussi les atours d’un voyage dans le temps. Sommes-nous déjà le passé de ce monde à venir ?

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La première fois que je suis passée devant ces étranges maisons sur pilotis dispersées le long de la Kuhio Hwy, côté océan, au bout du bout du monde sur l’île hawaïenne de Kauai, j’ai tout de suite imaginé le pire : les tsunamis ! Planter sa maison à quelques mètres au-dessus de la mer ne pouvait être qu’une parade à ces vagues géantes, qui s’étaient montrées dévastatrices de l’autre côté du Pacifique… Après discussion avec un autochtone, ma gentille naïveté – pléonasme ? – a pris un nouveau coup. Je n’y étais pas tout. Si les propriétaires de ces jolies bâtisses les avaient hissées vingt pieds sur terre, c’était tout simplement et de façon très pragmatique pour qu’elles soient plus élevées que celles qui se trouvaient entre elles et la vue sur l’océan… Je suis tombée de haut !

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Hier soir, alors que je peinais à m’endormir, je me suis murmurée à moi-même – pour ne pas me réveiller plus que je ne l’étais déjà – : « cette fois-ci, demain matin, n’oublies pas de noter dans ton carnet de prévoir un duo sur le fait de ne pas réussir à s’endormir ! ». Etat de fait – celui de ne pas réussir à s’endormir rapidement donc, à tomber comme une masse comme se vantent les chanceux au sommeil lourd – qui survient, notamment, car l’on est justement en train de se dire qu’il ne faut pas oublier quelque chose, acheter du dentifrice, aller chercher les enfants chez les grands-parents, retirer les billets de train à la borne, prendre rendez-vous avec le docteur Le Borgne, récupérer les images pour Médyn…, entraînant non pas un ralentissement du moteur cérébral mais son accélération : ne pas oublier, ne pas oublier, ne pas oublier, surtout penser à ne pas oublier…

En réalité, la meilleure solution pour ne pas oublier une idée ante-hibernation est de l’écrire au moment où elle survient. Car, trop souvent, au réveil, après avoir navigué quelques heures dans un univers ouaté déconnecté de notre conscience du monde extérieur, la pensée même d’avoir pensé à quelque chose de précis avant de sombrer, certes difficilement, s’est totalement évanouie, a fortiori, l’objet de la potentielle pensée. Ou au mieux, on se réveille avec la vague impression de devoir se souvenir de quelque chose, sans se souvenir pour autant du quelque chose en question.

Heureusement, à l’instar de Phil Connors qui revit chaque jour la même journée à Punxsutawney, certaines pensées sont récurrentes car les conditions dans lesquelles elles surviennent le sont : en l’occurrence, et nous revenons au sujet de départ, ne pas réussir à s’endormir rapidement… Le pire est que, plus on essaye de s’endormir, moins on réussit : l’énervement gagne vite du terrain ; on se tourne, on se retourne, ce qui a plus tendance à réveiller qu’à fatiguer ; on sait pertinemment que l’on a laissé passer le fameux cycle – vous savez, celui face auquel il ne faut pas résister car c’est l’appel du sommeil véritable, profond -, mais on espère secrètement qu’il ne faudra pas attendre le prochain train dans 1h30 pour le rattraper. Et puis, vient ce moment, proche du dépit, où l’on se souvient de ce truc que l’on utilise parfois pour battre la résistance : visualiser et se focaliser sur une image. Toujours la même. Inspirant le calme, la sérénité. Pour moi, un océan et le doux va et vient de quelques vaguelettes. Voilà, rien de tel pour s’endormir que de contempler, les yeux fermés, un parfait horizon sur un ciel clair. Là, on le voit, il ne bouge pas, il impose sa force tranquille, son rythme… Là, les paupières sont de plus en plus lourdes, on y est presque, on se sent partir, la délivrance, bientôt… Et patatras, sans prévenir, une escouade d’oies sauvages débarque dans le champ ! Et c’est reparti pour un tour : mais pourquoi volent-elles ici et maintenant ? Et où vont-elles ? Tiens, c’est bizarre, elles sont toutes alignées ? Et là, on dirait qu’elles se relaient pour prendre la tête… ça communique comment, les oies ? Tiens, il faudra que je fasse des recherches demain ! Faut pas que j’oublie ! D’ailleurs, il y a un autre truc que je ne devais pas oublier… Quoi déjà ? Ah oui, écrire un duo sur ce qui précède le sommeil… Vraiment, une histoire à dormir debout ! Pas étonnant que je n’arrive pas à m’assoupir !

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