Se promener dans les rues du Amsterdam historique peut donner l’étrange impression d’avoir franchi une frontière fictionnelle et régressive, et de débarquer au beau milieu d’un dessin d’enfant. Ceux-là même qui squattent impunément nos portes de frigidaires, nos murs mitoyens au bureau voire, au bout d’un certain temps, nos fonds de tiroir. Les murs des maisons, aux tailles parfois irréelles, y sont naturellement penchés, ce qui leur donne un charme certain, à défaut d’une stabilité rassurante et pérenne. Les fenêtres, postées à des hauteurs différentes d’une bâtisse à l’autre, rectangulaires, avec des petits carreaux, sans volets, sont toutes identiques et régulièrement espacées sur les façades qu’elles découpent comme un gourmand le ferait avec son gâteau d’anniversaire. Les couleurs sont franches, leurs juxtapositions tranchées, de telle sorte que chaque maison, différente de sa voisine tout en lui étant semblable, s’isole facilement. Quant aux personnages principaux, ils sont juchés sur leur jouet du moment… Avec les années, les murs des dessins ont gagné en rectitude, les fenêtres des volets et des rideaux, les façades se sont harmonisées, le vélo est devenu voiture, l’ensemble s’est assagi. Et les grands ont pensé que les petits ne l’étaient plus, que cette évolution était un progrès, un signe de maturité, de sagesse. Jusqu’à ce qu’ils réussissent à s’extirper du dessin, tombant, comme la pluie, au beau milieu des ruelles aux maisons tordues de cette vieille ville d’Amsterdam et finissent par trouver cette imperfection maîtrisée, cette fantaisie enfantine particulièrement attirante…
Extrait d’”Etats d’âme sur le macadam”, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…
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A ma gauche, une jeune femme lit : « Le point de Mir ». Avant la catastrophe prédite. Hystérie… Ce matin, à la radio, on parlait de la rentrée d’argent dont allaient bénéficier les villes situées dans la bande d’obscurité. Camping improvisé, menu « éclipse » avec dessert aux chocolats blanc et noir. Il y a même une revue en vente depuis jeudi. Et un CD ! Que va-t-il se passer ce fameux jour ? De la pluie, tout simplement. Car, c’est effectivement ce qui nous tombe du ciel depuis quelques heures. La nature ferait ainsi un véritable pied de nez à tous ces assoiffés de spectacle. Ce qui se comprend aisément. L’événement reste exceptionnel. Mais tout ce cinéma autour… 16 pages aujourd’hui dans Le Monde ! Toutes ces couvertures… Apparition de l’éclipse. Et pour quoi ? Un ciel lunatique. J’aurais fait pareil si j’avais été lui.
Toutes les revues où des lunettes étaient offertes ont connu la razzia. Les appels ne se comptent plus. « Les lunettes sont-elles bien conformes ? » Patience admirable au standard face à cette folie passagère. N’y a-t-il rien d’autre dans l’actualité pour remplir ces pages de quotidiens, hebdos ou mensuels ? J’attends mercredi avec une certaine impatience. Mercredi soir bien entendu, pour les réactions, les images, la météo… Evénement médiatique sans précédent. Aujourd’hui, celui qui ne connaît pas les principes de l’éclipse fait preuve de mauvaise volonté. Et si c’est un échec total ? Trouveront-ils des excuses ? Le « ils » ? Les média, bien sûr. Hier, à Nature et Découvertes, trois mamies se sont présentées à la caisse : « Ça, c’est des lunettes ? » demande l’une d’entre elles à la caissière en lui montrant des diapos. Et non… On entend qu’en Belgique, il est demandé aux possesseurs de lunettes de les restituer, en vue d’un envoi massif vers l’Afrique, prochaine scène pour une éclipse totale. Partout, même ici, dans ce carnet. Mais comment passer à côté ? Tout le monde n’a que ce mot à l’éclipse. Je m’y perds ! Et c’est : « Toi, tu seras où mercredi, pour l’éclipse ? »« Eh, je reste là, de toute manière il va pleuvoir », « je ne vais pas faire comme tous ces clampins », « je vais à Compiègne, Senlis, mais ce sera serré car je n’ai pris que la demi-journée ! ». Et oui… Tragique scénario … je crois qu’on ne pense plus à celui de Paco. Claudie André-Deshays était sur les ondes ce matin, et assurait qu’il était « balistiquement » impossible que la station Mir s’écrase à Paris ce mercredi. Il est vrai que cette perspective n’aurait pas été réjouissante pour elle, son mari – Jean-Pierre Haigneré – se trouvant dans la fameuse station orbitale. Dans ce cas précis, c’est la balistique qui tranche. Un gourou, en Pologne, répand aussi sa thèse cataclysmique et a d’ores et déjà donné rendez-vous à ses disciples sur les berges du Danube. Quoiqu’il en soit, cette euphorie mêlée de panique laisse présager de quelques surprises pour le passage à l’an 2000, qui lui, concernera la planète entière. Et c’est sans compter sur le fameux Bug, punaise mondialement connue. J’ose à peine imaginer l’hystérie qui va précéder cette date. Tous les média sont mobilisés pour l’éclipse. Comment faire plus pour le « Y2K » ? Il paraît que le passage à l’an 1000 n’a pas suscité d’éclat, et ce pour une raison simple : on se repérait plus souvent par rapport à l’année de règne du roi au pouvoir. C’est comme si nous disions : « c’est la 4ème année du règne de Chirac. » Ce qui ne nous fournit pas trop d’informations sur la fin du siècle. Et puis, pourquoi cette année serait-elle différente des autres ? Il suffit de changer de référence et l’an 2000 est déjà passé !
Litanie… Je suis arrivée sur cette feuille avec ce mot à l’esprit. Aucune association d’idée envisageable… « énumération monotone, souvent de griefs, de plaintes.» Tout à l’heure, il y avait primesautier. Qui signifie : « qui agit de son premier mouvement, sans réflexion préalable ». Synonyme : spontané. Et puis, tout de suite, il y a « pantomime ». Soit « un mime » ou « un art d’exprimer des sentiments, des idées par des attitudes, des gestes sans parole ». En fait, je cherchais « palinodie », employé dans le sens d’une rétractation, d’un changement d’opinion. Que de mots inusités ! Jouer avec les mots, leurs sens, leur consonance, leur histoire ou celle à laquelle ils font penser… Maîtriser le maniement des lettres comme d’autres les épées…
Fascination réelle pour ces assemblages de lettres alors que j’ai parfois l’impression de tourner en rond avec un vocabulaire inscrit dans le marbre… Quelle serait-elle, cette fascination, si les pages du dictionnaire n’avaient plus de secret pour moi ? Une condition demeure. Rien ne sert de connaître les mots, encore faut-il les utiliser. Et donc avoir l’occasion de ne pas les oublier. Mais le temps est-il le seul moteur de l’oubli ? Un moteur tourne, ce qui signifie que ce qui est oublié finit toujours par revenir à l’esprit. Tout est une question d’exercice. Des stimuli ! Circulation sanguine. J’ai pensé « apoxie ». Pourquoi ? Ce mot n’existe pas. En revanche, il y a « apoplexie ». Curieusement – ou pas – c’est « une perte brutale de la connaissance et de la mobilité volontaire, due le plus souvent à une hémorragie cérébrale. » Etrange. Je terminerai sur ces mots « être ange », pour mieux partir aux royaumes des rêves. Sphère tout aussi mystérieuse…
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Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Typiquement, une photo de route. Non, de train. Non, de route. Je ne sais plus. Je ne me souviens plus que de cette sensation éprouvée d’un équilibre naturel formé par ce trio : l’arbre, fragile mais résistant, sur la crête d’une colline désertée sauf par la broussaille ; un nuage tentaculaire et temporairement protecteur ; […]
C’est étrange, on dirait que j’ai un peu le trac… Je teste virtuellement différentes deuxièmes phrases – celle-ci donc – en nettoyant nonchalamment les lettres de mon clavier comme s’il s’agissait de l’urgence du moment. C’est le trac, ça, non ? Un de ces petits gestes apparemment anodins qui nous trahissent lorsque nous sommes confrontés […]