Photo-graphies et un peu plus…

Le cauchemar éveillé

L’autre nuit, je me suis réveillée en sueur et sursaut ! Un cauchemar ! C’est rare pourtant ! Vous allez rire mais j’étais piégée dans un centre commercial. Le paradis pour certains. Je déteste les centres commerciaux. En fait, j’étais même coincée dans un centre commercial de Hong Kong. Donc grand. Et de luxe. C’était en fin de journée, il faisait nuit, mais on ne pouvait pas vraiment le savoir car il n’y avait évidemment aucune fenêtre ou baie vers l’extérieur, tout baignant dans une lumière artificielle blanche et froide en permanence destinée à plonger le consommateur dans une bulle hors du temps. J’avais naïvement pensé que traverser le Mall plutôt que le contourner me ferait gagner du temps. Toutes les boutiques étaient fermées (ce qui n’est pas la raison pour laquelle je qualifie cette expérience de cauchemar), il n’y avait quasiment plus personne, hormis ceux qui filaient prendre le métro dans les sous-sols, et cela faisait bien une demi-heure que je tournais en rond dans les allées, passant jusqu’à trois fois devant les mêmes mannequins narquois, dédaigneux et propres sur eux, à chercher une sortie piétonne pour m’extraire de ce monde factice. Je n’arrêtais pas de me répéter : « mais bon sang, ce n’est pas possible qu’il n’aient pas prévu de simple sortie vers l’extérieur dans ce fichu centre ! » C’est une phrase longue à ressasser, c’est vrai, et à un moment, elle s’est résumée à la répétition d’un gros mot commençant par p et se terminant par n. Flûte flûte flûte ! Voilà, c’est ça… Je commençais à avoir des sueurs froides, je m’imaginais forcer une sortie de secours et déclencher une foule d’alarmes tonitruantes, je cherchais par où j’étais entrée mais ne trouvais plus mon chemin, je pestais contre le capitalisme, le consumérisme à outrance, l’aveuglement collectif, j’accélérais le pas, je tentais de repérer une signalétique compatissante, j’avais de plus en plus chaud, je me suis réveillée en nage ! J’y suis retournée tout de suite ! Il était hors de question que je finisse mon cauchemar enfermée dans un centre commercial ! Je me suis mise en quête du parking, pensant, à juste titre,  qu’ils avaient forcément prévu une sortie pour les voitures ! Qu’ils ne pensent pas aux piétons, c’est une chose, mais aux voitures, impossible ! Et en effet, après un bain forcé et prolongé dans le monoxyde de carbone et quelques pas hasardeux entre des Tesla, et donc 45′ d’errances inutiles, j’ai enfin réussi à me faufiler hors de ce temple maudit (mais sans les gâteaux secs)… Le plus drôle a posteriori dans cette histoire ? Le cauchemar était éveillé puisque tout cela est vrai ! Méfiez-vous des centres commerciaux si vous allez à Hong Kong, eux seuls ont réussi à me faire sortir de mes « gongs » !

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Le pont des soupirs

Stupéfaction et tremolo à l’heure du café matinal et de la consultation frénétique index à l’appui, mais glissant, des nouvelles du jour ! J’ai souvent les yeux clos quand je les consulte depuis que je me suis autogreffé une appli censurant les mauvaises nouvelles et les fermant automatiquement (à la fois les yeux et les nouvelles). Il y en avait trop, ça n’était plus vivable, et je n’ai pas l’impression de fermer les yeux sur ce qui se passe dans le monde pour autant ! Enfin, si, mais il existe différentes manières de voir. Bref, là, ils sont restés ouverts, non que la nouvelle soit bonne – car le contraire de la mauvaise nouvelle n’est pas forcément la bonne nouvelle, ce serait trop simple -, elle serait plutôt ébouriffante, invraisemblable, renversante !

J’ai d’ailleurs d’abord cru à un canular, un hoax, un fait alternatif. Ce qui m’a incitée à vérifier, avant toute chose, si elle était présente sur d’autres supports, même si ça n’est plus forcément une garantie de véracité (où va le monde ?). Et maintenant que j’ai écrit toutes ces lignes sur cette info sans la partager encore, c’est un peu comme lorsque des amis vous disent que tel film ou telle pièce de théâtre ou tel livre ou tel concert est vraiment hyper-méga-génial-e et qu’il faut absolument-franchement-essentiellement aller le ou la voir ou le lire ou l’entendre, vous vous projetez naturellement sur ce qui vous hisse généralement à l’apogée de votre propre échelle émotionnelle, tout en modulant ce calcul à l’aune de votre fine connaissance de vos amis, vous vous imaginez des choses, et souvent, vous êtes déçus. Oui, déçus. Du coup (si si, j’ai écrit « du coup »), je ne sais plus si ça vaut vraiment la peine que je vous dise… Oui, parce que clairement, vous allez vous dire : « Quoi, tout ça pour ça ? Franchement, t’exagères Lou hein ! » Non ? Alors, vous allez re-regarder la photo choisie pour y puiser quelque indice alors qu’en réalité, tout se passe à 8614 km de là, le là étant le centre de Madagascar qui n’est pas littéralement l’endroit d’où j’ai pris cette photo, mais c’est plus simple pour le calcul, mes souvenirs d’il y a 20 ans n’étant plus aussi clairs. Je vous invite donc maintenant à prendre un compas géant et à tracer un cercle de 8614 km de rayon – j’en conviens, ça n’est pas très pratique – pour identifier la zone géographique en question et à vous balader sereinement sur la circonférence de ce cercle dans l’espoir de voir poindre l’illumination.

Ou bien, j’arrête là le supplice et vous dis tout de go ce qui m’a ébahie ce matin-là : l’inauguration, ou presque, d’un pont reliant Hong Kong à Macao ! Evidemment, avant avril 2017, ça ne me parlait pas vraiment ne sachant pas précisément quelle distance séparait les deux RAS de la Chine, mais voyez-vous, en avril 2017, j’ai justement pris le ferry – ultra rapide – depuis le port de Hong Kong pour rallier l’ancienne colonie portugaise et il mettait déjà une heure ! Je vois bien que vous vous attendiez à autre chose ! Mais pour que vous preniez bien la mesure de ce qui m’a fait tressaillir, dites vous que ce pont, qui devient automatiquement le plus long ouvrage maritime au monde, fait 55 km ! Vous vous imaginez, vous, rouler pendant 55 km au dessus de la mer ?

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1 français sur 10

 … a déjà eu une aventure avec son voisin / sa voisine, souffre de solitude, a déjà cherché à acheter des Bitcoin, a déjà pensé à s’engager dans la vie religieuse, connaît des troubles des apprentissages, applique la règle des 5 fruits et légumes par jour, court au moins une fois par semaine, ment sur son week-end, est touché par la pauvreté, est tatoué, aide un proche atteint d’un cancer, pense que l’épilepsie est d’origine surnaturelle, déménage chaque année, achète sur mobile, a été victime de maltraitance pendant son enfance, estime être bien informé sur les Big Data, n’est pas satisfait de son travail, renonce à des lunettes faute d’argent, s’endort au volant en allant au travail, a perdu son odorat, est un joueur actif, est touché par l’alcoolisme, souhaiterait travailler uniquement à distance, a prévu de poser un arrêt maladie pour partir plus longtemps en vacances, a consommé du cannabis, va au supermarché, n’a pas de téléphone portable, porte des lentilles de contact, envisage de se faire soigner à l’étranger, pratique les sports d’hiver, souffre de problème d’audition, prend des somnifères, s’est déjà filmé en train de faire l’amour, s’inquiète de l’impact de son activité sur les réseaux sociaux sur sa vie professionnelle, a ses pires cadeaux de Noël offerts par ses beaux-parents, pense que sa retraite sera confortable, a au moins un parent immigré, se couche trop tard, aimerait travailler avec Cyril Hanouna, consulte le profil Facebook de son ex chaque jour, fait confiance à Pôle Emploi pour trouver du travail, doit bouger ses jambes en continu. Mais surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, 1 Français sur 10 pense, en 2018, que la Terre est plate ! Plate oui ! Quel clown celui-là (je sais que ce n’est pas la bonne réaction à adopter mais pour l’heure, je ne peux pas faire plus) !

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Le point de rupture

C’est, par exemple, ce moment très particulier et finalement très soudain où ce qui nous amusait, nous faisait sourire, nous attendrissait, nous charmait – un daim tout mignonnet chatouillant nos pieds découverts, fouinant dans nos sacs alimentaires ou léchant notre main en l’air – nous agace, nous fatigue, nous énerve, nous révulse, et, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, nous transforme en un affreux personnage aigri, impatient, sans humour ni autodérision. Ce moment très particulier où, en somme, la dernière goutte fait déborder le vase parce que nous n’avons pas tous les mêmes limites ni toujours conscience de celles des autres. Et bien, observé à une distance raisonnable, ce point de bascule est plutôt drôle !

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Littéralement

… cet homme va droit dans le mur. Dans le muret si vous préférez, mais fondamentalement, cela ne change pas grand chose, et par ailleurs, cela altère légèrement l’expression consacrée… A le voir courir ainsi, sans ralentir d’un iota à l’approche de l’obstacle, on se dit même qu’il y met beaucoup d’entrain, d’élan et de volonté. Ce n’est manifestement pas le type à se laisser enfermer entre quatre murs. Et même si, là, présentement, il est au pied du mur, croyez-vous pour autant qu’il va réellement se prendre le mur ? Non, bien sûr ! Et, déjà, ses mains sont prêtes pour la prochaine étape libératrice : s’appuyer dessus sans chercher à le contourner et faire le mur. C’est le rebondissement salvateur !

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Je me dépêche de l’écrire celui-là car, le printemps arrivant, et avec lui, les températures grimpant, le besoin va devenir moins pressant… Prenez une vraie soirée d’hiver, de celle où vous vous emmitouflez dans une couverture sur votre canapé pour lire, trier vos photos, mater une série, faire du macramé ou des mots croisés. Vient alors l’heure de la pantoufle de vair (ou de verre, mais nous ne sommes pas là pour raviver les polémiques littéraires). La seule idée de vous glisser dans vos draps froids vous donne déjà des frissons, mais au même titre que nous ne faisons pas d’omelette sans casser d’oeufs, un lit ne se réchauffe pas tout seul (j’en vois déjà invoquer la Reine Desbouillottes pour me contredire, faites, pour ma part, je laisse pisser le mérinos…).

C’est certes un mauvais moment à passer mais, heureusement, votre corps ne vous laisse par tomber : dès que vous vous engouffrez dans celui que vous confondez encore avec votre frigo, une batterie de mécanismes de thermorégulation se met en branle. Vous voilà donc secoué par une première vague de frissons qui, en faisant se contracter vos muscles, dégage de la chaleur et fait progressivement remonter votre température. Dans la foulée, votre corps consomme aussi un peu plus de sucre. Et de façon un peu moins scientifique, peut-être vous recroquevillez-vous sur vous-même, comme ce hérisson en plein milieu de la route que vous auriez aimé éviter ce jour-là ; ou alors, gigotez-vous dans tous les sens ?

Quelle que soit votre méthodologie, dans le meilleur des cas, au bout de quelques minutes, tout est revenu à la normale, vous êtes à 37°C, vos draps se sont réchauffés au contact de votre corps, vous osez même étendre les pieds jusqu’au fond de votre lit, vous êtes bien, vous auriez presque un peu chaud. Pour rien au monde, rien, vraiment, vous ne sortiriez de ce lit avant la secousse cataclysmique de votre réveil. Aussi, lorsque, peu de temps après avoir recouvré ce climat idéal, vous sentez l’envie monter, vous savez cette envie pressante dont vous pensiez vous être débarrassé auparavant, vous essayez, dans un premier temps, de vous dire que vous vous trompez ou que vous dormez déjà ou encore que vous réussirez bien à tenir jusqu’au lendemain matin… Parce que la seule idée de vous glisser hors de vos draps désormais chauds, de vous faufiler dans cet environnement hostile et froid qu’est devenu le reste de votre appartement, vous donne déjà des frissons. Et là, vous pensez à toutes ces inventions inutiles qui polluent le monde – le porte-glace à piles, le bandeau porte-télécommandes, le chapeau dérouleur de papier toilette, le parapluie intégral, le dentifrice au goût bacon, la moustache de secours… -, et ne rêvez que d’une chose : qu’un jour, quelqu’un créé une combinaison à enfiler directement sous les draps qui conserve la chaleur de votre corps le temps de ces sorties propices… ça, au moins, ça aurait du sens !

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Vous savez ce qui me plaît le plus ici ? Ce n’est pas tant que ces adultes oublient qu’ils le sont, ainsi que toutes les conventions connexes associées à cet état parfois trop sérieux, et décident, de fait, de dévaler cette dune haute d’une cinquantaine de mètres en courant, accueillant ainsi grains de sable et chutes éventuelles à bras ouverts. Non, c’est qu’ils s’y attèlent aussi joyeusement sachant qu’arrivés en bas, au niveau de la mer du Japon, ils devront la remonter. Et ce retour sera autrement plus long et difficile que cet aller…

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– Bon, Balisto, arrête de sauter comme ça ! Tu vas te faire repérer !

– Mais je veux voir !

– Que veux-tu donc voir ?

– Je veux voir comment c’est, la vie, quand on a évolué !

– Ah… Et bien, tu vois, ils veulent tous retourner à l’eau !

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Etat d'esprit

Il paraît que les gens peuvent être classés en trois catégories. Je déteste les cases. Mais passons. Dans cette tentative totalement décomplexée de simplification de la complexité de l’être humain, il y aurait donc les optimistes, les pessimistes et les fatalistes. Connaissez-vous l’oculométrie (eye tracking en anglais) ? C’est un petit appareil qui permet de suivre votre regard avec une très grande précision et d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Je vous laisse quelques minutes pour vous mettre dans la peau d’un ingénieur en instrumentalisation, instrumentation pardon !

En tant que tel, vous avez sollicité un panel d’observateurs neutres (donc vous les connaissez tous) à qui vous souhaitez soumettre l’image ci-dessus pour challenger les hypothèses des chercheurs pour (ou avec, c’est selon) lesquels vous travaillez. En l’occurrence, que les optimistes liront l’image du coin bas gauche au coin haut droite, en suivant globalement la pente la plus forte car ils n’ont peur de rien et qu’ils se projettent déjà sur le spectacle magnifique qui les attend en arrivant au sommet de cette incroyable dune se jetant dans l’océan Atlantique plus vite qu’il y a 50 ans. Pour les pessimistes, il y a une double hypothèse – l’expérience permettra justement de les départager plus finement : d’une part, leur regard pourrait partir d’en haut pour être inéluctablement attiré vers les ténèbres en bas à gauche car ainsi va la vie dans l’esprit du pessimiste ; d’autre part, leur regard pourrait aussi partir du coin bas gauche, mais, contrairement aux optimistes, ils pourraient vouloir suivre une pente plus douce pour ménager leurs efforts et ainsi suivre la trace la plus basse. Malheureusement, ils s’épuiseraient en route – se ménager prend toujours plus de temps que se donner un coup de fouet -, jusqu’à se perdre en forêt. Ce qui ne ferait d’ailleurs qu’alimenter leur pessimisme… Quant aux fatalistes, ils feraient des allers retours visuels entre le bas et le haut, estimant que, dans tous les cas, s’il faut monter, c’est qu’il faut descendre ! Et inversement. Car c’est écrit, c’est le destin – ou une règle élémentaire de géométrie… mais tout est une question de point de vue finalement !

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Certains voyages vous dépaysent complètement parce que tout ce que vous y découvrez, de la nature à la culture, de l’histoire aux légendes, de la musique à la langue, de la cuisine aux coutumes, est absolument nouveau, inédit pour vous et conforme à cette altérité que vous imaginiez a priori et que vous espériez rencontrer. Parfois aussi, certains voyages vous dépaysent complètement parce que tout ce que vous y découvrez est justement aux antipodes de ce que vous pré-voyiez, tout en étant finalement assez proche de ce que vous connaissez déjà sans que cela ne soit une déception pour autant.

Extérieur – Terrasse – Crépuscule – Après un court entracte, le quatuor s’apprête à reprendre son programme mêlant jazz et classique devant les mélomanes du soir. Il n’y a plus de chaises libres quand vous arrivez, un peu en retard, aussi vous posez-vous sur un muret surplombant la scène improvisée, gagnant au passage une vue panoramique sur ce beau village aux maisons de granite accroché à la montagne. Portée par les notes remodelées de « Dream a little dream of me », votre âme s’égare. Vous vous imaginez maintenant être une de ces personnes en contrebas, sur le bord de la route longeant cette courte plage… Oui, exactement, là où il y a ce petit attroupement. Vous portez alors votre regard vers cet horizon, hors champ. La journée s’achève, il va bientôt faire nuit, il y a une légère brume mais vous réussissez malgré tout à discerner un relief montagneux au loin, quelques lumières – une ville sûrement – et même des éoliennes ! Et là, vous réalisez que cette vie qui se déroule à 15 km de là, c’est la Chine. La Chine continentale. C’est même la première fois que vous la voyez d’aussi près. Alors, vous vous retournez, repensez à cette musique que vous venez d’entendre, rejetez un oeil à ce village terriblement méditerranéen et vous vous souvenez alors que vous êtes à Qinbi, sur l’île de Beigan, dans l’archipel de Matsu, à 250 km au nord-ouest de Taiwan… A mille lieues d’où vous pensiez être un instant.

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