Beauté pure de côte sauvage, empreinte d’une incroyable paix et douceur malgré ce mikado faussement chaotique de troncs et de branches d’arbres venus de la terre, venus de la mer, et jonchant désormais la plage de galets, à une heure de grande écoute où la brume puis la nuit s’apprêtent à tout faire disparaître.
Trouver un petit coin en hauteur suffisamment isolé du tumulte ambiant pour se croire loin de tout, se poser face à l’océan, faire le vide en soi, n’écouter que le bruissement des vagues s’échouant délicatement sur la plage. Et le regarder descendre du ciel sans ciller. Et le voir colorer le monde de reflets mordorés. Et s’extasier, chaque jour, comme si c’était la première fois…
Cette scène de pêche sous les tropiques me fait l’effet du délicieux bain chaud nocturne dans lequel on s’abandonne corps et âme après une longue et harassante journée…
Il est certaines personnes qui semblent poser naturellement tant leur façon d’être au monde et aux éléments paraît, paradoxalement, maîtrisée et préméditée. Ainsi en est-il de cet homme perché sur sa roche volcanique, que je ne connais absolument pas et dont je ne peux m’approcher sans me faire remarquer qu’à la faveur du vacarme ambiant qui perfore le silence de ses incessants éclats tonitruants et couvre toute autre manifestation sonore. En l’occurrence les bruits éventuels de mes déplacements et celui, avéré, du déclenchement de ma boîte à images. Je n’espère qu’une chose : capter cette osmose, cet échange non verbal, méditatif, contemplatif entre cet être aux cheveux de jais et cet océan habité, et ainsi saisir cette étrange juxtaposition entre la paix qui émane de lui et l’excitation marine. Curieusement, le regarder regarder ces vagues venant s’échouer avec fracas sur ces sculptures de magma saisi par le froid est incroyablement reposant.
Quoi de mieux en effet, après une harassante journée de travail, que de se plonger – même virtuellement – dans les eaux chaudes de l’Océan Pacifique pour une séance de surf vespérale ou simplement rafraîchir corps et âme tout en admirant un ténébreux coucher de soleil aussi réparateur qu’une bonne nuit de sommeil ?
Il faut imaginer que ce mur de brume gris-bleu ancré dans l’océan se poursuit au-delà du cadre, à gauche et à droite jusqu’à couvrir tout l’horizon. Que cette masse incroyable a gonflé peu à peu, lentement mais sûrement, de telle sorte que personne ne l’a réellement vu arriver, un peu comme dans une partie d’1-2-3-soleil où celui qui compte réalise bien, à chaque fois qu’il se retourne, que chacun a avancé sans pour autant les avoir vu bouger. Ainsi en est-il de cette falaise cotonneuse, un brin effilochée, impénétrable et mouvante face à laquelle le spectateur médusé éprouve une double envie : fuir pour se mettre à l’abri d’un danger indéfini, ou, au contraire, l’attendre, de pied ferme, continuer à la regarder grignoter l’océan mètre après mètre, à la voir noircir les vagues miroitant encore sous les derniers rayons du soleil couchant, et se laisser envelopper par cette atmosphère apocalyptique à la beauté saisissante, hypnotisante, grisante que l’on a peine à croire menaçante, pour éprouver le vide, la perte de repère, l’inconnu absolu et pouvoir répondre à cette question dès lors obsédante : qu’y a-t-il, de l’autre côté ?
Regarder le va-et-vient infatigable des vagues a toujours fait chavirer les cœurs des amoureux… Ceux-là ne dérogent pas à la sacro-sainte règle. Mais ce n’est pas cela qui me chiffonne, tout étant évidemment relatif. Je ne saisis tout simplement pas la fonction du parapluie rouge à pois blancs à cet instant précis. Il ne pleut pas – croyez -moi sur parole, j’y étais – et vous n’aurez aucun mal à admettre que les rayons du soleil – caché derrière cet épais manteau de brume si caractéristique de la capitale péruvienne – ne mettaient personne en danger. Or, ce sont bien là les deux rôles principaux du para-pluie/soleil. Ceci dit, s’il ne l’avait pas tenu si fièrement, s’il avait été refermé et accroché à son bras gauche par exemple, pire, s’il l’avait mis dans sa poche arrière, le parapluie, je ne me serais pas attardée. J’aurais poursuivi ma route. Car il aurait manqué « quelque chose ». C’est donc bel et bien ce parapluie inutile – et non pas le questionnement qui précède – qui a servi de catalyseur à cette courageuse prise de vue, devenant, à certains égards, joliment et poétiquement utile… Moralité : ne jamais présumer de l’utilité vs de l’inutilité de ces petits objets du quotidien à la lumière de leur utilisation.
Toujours avoir un océan un tant soit peu agité à côté de chez soi pour pouvoir répéter ses classiques de trompette à pleins poumons sans craindre de se faire houspiller par des voisins peu mélomanes ! D’ailleurs, le pare-son fonctionne si bien qu’ils sont tout bonnement inaudibles. Espérons simplement qu’eux-mêmes s’entendent jouer…
Et l’adage dit : « Qui se ressemble s’assemble »… En l’occurrence, dans le cas présent, je serais plutôt tentée de l’inverser pour le transformer en : « Qui s’assemble se ressemble ». Dans certaines cirsconstances, en particulier, de représentation publique, je plébiscite l’harmonie vestimentaire au sein du couple, notamment colorimétrique, en optant, entre autres possibilités, pour des couleurs complémentaires. C’est symbolique bien sûr (peut-être même un cliché pour les rabat-joie). C’est beau aussi. Et le beau est toujours un ravissement pour l’esprit.
Ce quatuor, dont les paires bleue et jaune ne se connaissent a priori pas, semble plutôt atteint du « syndrome du jumeau », ce qui est totalement différent ! Ne cherchez pas dans Wikipédia, il n’existe pas, je viens de l’inventer. Mais je suis certaine que cela ne vous empêche pas de deviner ce dont il s’agit car vous vous êtes forcément retrouvés face à des jumeaux-melles habillé-es à l’identique (c’est assurément bien plus pratique pour les parents devant déjà se dédoubler pour assurer la maintenance de base). Un face à face soulevant deux types de réaction : « Oh, c’est mignon, ils sont habillés pareil ! » versus « C’est malin ! Je n’arrivais déjà pas à les distinguer, c’est pire maintenant ! ». Le culte du même poussé à son paroxysme.
Est-ce le même critère de « praticité » qui préside chez ces couples ? Achètent-ils tout en double ? Se concertent-ils le matin pour décider de la tenue du jour ? Ou, pire, n’ont-ils pas conscience que d’une certaine manière, ils se diluent l’un dans l’autre, et donc s’effacent en tant qu’individu pour former un tout indivisible, une cellule en somme ? Ce qui soulève une question majeure à laquelle je ne répondrai pas ici : qu’est-ce que le couple ? Où commence le « nous », où s’arrête le « je » ?
Evidemment, lorsque j’ai pris cette photo, je n’ai pas pensé une seule seconde à toutes ces implications sociales et personnelles. J’ai trivialement été attirée par le comique de l’effet miroir à peine rompu par la femme de droite, subtil intrus car la seule à ne pas tenir d’appareil photo… Mais on ne sait jamais vraiment où l’analyse a posteriori d’une image peut nous conduire.
Le réveil sonne. Doucement mais sûrement. Je l’éteins rapidement pour ne pas me faire remarquer. La chambre est encore plongée dans la pénombre et le monde dans un silence bienveillant. Il n’est pas encore 6h et le lit dont je viens de m’extraire se trouve dans une grande maison de bois entourée de pins Douglas à quelques encablures d’un charmant village de pêcheurs posé à l’un de ces bouts du bout du monde tels que je les affectionne : Tofino, sur une péninsule du flanc ouest de l’île de Vancouver.
Il fait frais, je me couvre bien et sors de la maison sur la pointe des pieds. Traverse lentement la bande de forêt qui me sépare de l’océan Pacifique et je l’attends. Il est encore un peu tôt mais il ne devrait plus tarder. On s’est donnés rendez-vous vers 6h30 sur cette plage que la marée basse rend immense. Je ne m’inquiète pas vraiment, il est toujours très ponctuel. Pendant quelques minutes, je me laisse envelopper par cette douce atmosphère aurorale et bercée par la musique des vagues qui, chaque seconde, grappillent du terrain à la terre.
Je suis seule sur cette longue langue de sable blond. Je jubile. Je me sens, comme rarement, en parfaite harmonie avec les éléments. Et plus encore lorsqu’il se pointe enfin, à son rythme, lent mais invariable, se frayant un chemin entre les branches des arbres faisant face à l’immensité océanique. Il monte petit à petit et efface délicatement les mystères de la brume nocturne. Le ciel s’éclaircit, la vie dore et le monde s’éveille peu à peu. D’abord les oiseaux, puis mes congénères, que je vois traverser la forêt et converger vers la plage, comme ce couple qui transcende et magnifie soudainement mon horizon… Je ne suis plus seule et c’est beau, aussi.
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Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Il y avait déjà cette colline, aux herbes folles, se hissant rapidement vers les hauteurs pour surplomber cette petite mais néanmoins impériale cité de Nara et offrant une vue inégalable sur toute la vallée. Il y avait aussi ce ciel, ténébreux à souhait, charbonneux comme une mine de crayon, que venait percer aléatoirement un soleil […]