Photo-graphies et un peu plus…

Tout était pourtant extrêmement bien préparé… J’avais les bonnes chaussures, les bonnes chaussettes aussi – c’est important quand on s’apprête à marcher 5 heures – ; j’avais prévu le pique-nique à mi-parcours sur la plage à mâter les surfers défiant, non pas des vagues géantes, mais les basses températures du Pacifique nord ; j’avais aussi la bouteille d’eau additionnelle pour les petites soifs pendant la rando qui comptait quelques belles montées et d’aussi belles descentes ; j’avais des barres de céréales revigorantes à dévorer à l’arrivée pour repartir du bon pied et la certitude que ma batterie serait encore pleine à ce moment, car le point de vue d’en haut se devait d’être splendide. Enfin, c’est pour cette promesse de beauté que je m’étais engagée sur ce chemin serpentant entre vues plongeantes sur un océan bleu intense, à quelques dizaines de mètres en contrebas, brillant de mille éclats, à l’immensité aussi subjuguante qu’irréelle et forêt pluviale sombre où les rais forts du soleil arrivaient toutefois à se frayer subtilement un passage, éclairant intensément fougères ou autres plantes vertes tapissant un sol idéalement meuble pour la colonne, vertébrale, comme la poursuite, l’auteur d’un one man show sur une scène de théâtre.

Le dernier kilomètre se faisait d’ailleurs sous cette chape un brin humide, maintenant, jusqu’au bout, le plus grand secret sur l’horizon. Cet horizon même où il devait se détacher. Ce petit phare en avant poste sur un rocher à quelques encablures de la côte. Une curiosité dans cette région. L’objectif de cette marche. Plus que quelques mètres, satisfaction, le chemin s’ouvrait sur le bleu de l’océan, palpitations, et à l’horizon, point de phare mais une bande de brume épaisse ne laissant rien deviner de ce qui se tramait derrière. Il était là pourtant, je le cherchais du regard, scrutais la cime des arbres en espérant une rafale qui balayerait toute cette ouate, je croquais une barre de céréales pour lui donner le temps de filer, vidais ma bouteille, piétinais, faisais même quelques étirements, et comme si je n’étais pas là pour ça, mais rien. Rien ne s’était passé. Le brouillard s’était installé et le phare ne s’était pas montré. Il ne me restait plus qu’une chose à faire, demi tour. A ruminer cette ironique déconvenue, cette rencontre avortée. Ce pied de nez météorologique, ce contretemps, ce temps contre moi, pire, qui se joue de moi : arrivée en bas, la brume s’était dissipée et le phare, des plus classiques, s’était dévoilé…  Prouvant, une nouvelle fois, qu’il est important d’apprendre à vivre avec cette idée que le point que l’on atteindra à l’issue du chemin ne sera pas forcément celui que l’on attendait, ou espérait, malgré les jalons, malgré les efforts, malgré les certitudes. Et ainsi d’apprendre à vivre sur le chemin et à l’apprécier tel qu’il est. Car, en toute honnêteté, elle est plutôt belle cette vue tri-bandes et même plus énigmatique et originale que celle que j’étais venue voir.

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Même si je sais pertinemment que cette irisation de l’eau n’est que l’illustration du manque de respect de navigateurs motorisés pour leur port, que leurs dégazages intempestifs étouffent la faune et la flore, et contribuent à salir l’image d’une cité antique en quête de billet d’honneur, je ne peux m’empêcher d’être hypnotisée par la beauté du tableau mouvant formé par les vaguelettes sur lesquelles surfent ces nappes d’essence et se métamorphosent les bâtisses centenaires en bordure de quai. Chaque seconde, le panneau change, chaque seconde, je suis partagée entre le dégoût que m’inspire cette souillure volontaire et l’enthousiasme pour l’expression artistique qui y naît naturellement. Deux ressentis diamétralement opposés qui conduisent pourtant à une même réaction : emporter l’image avec soi, telle un constat, le plus neutre possible. Illusion ! N’y a-t-il pas jugement dès lors qu’il y a cadrage ? Et dans ce cas, celui-ni ne met-il pas plus en avant la beauté involontaire de la marée noire quotidienne que l’agression écologique permanente qu’elle provoque ? Manifestement, si…

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Le trottoir est étroit, ils ne se connaissent pas, il a une sacoche en bandoulière et le regard vitreux, elle, l’âme curieuse et une sardine dotée d’un flash. La combinaison attire l’attention voire la tension. Il s’approche, elle apprivoise une autre boîte à images, il parle, elle le remarque enfin. Ce n’est pas ce qu’il dit vraiment, mais il lui dit en substance, tel un théorème mathématique en guise de bonjour, que, si elle n’a pas de pare-soleil – ce qui est le cas -, alors elle n’est pas une vraie photographe. CQFD. La potence est là, voici la corde ! Non mais, de quel droit se permet-il, ce zouave du mercredi, d’asséner de telles âneries avec une telle arrogance ?

Je n’écris pas cela car je n’utilise jamais de pare-soleil – j’adore pointer volontairement l’astre brillant et découvrir mes images zébrées par des tâches colorées organisées en guirlandes de lumière – mais simplement parce qu’il y a des millions voire des milliards de façons de faire de la photographie, et que je vois difficilement comment on peut se prétendre preneur d’images en s’imposant des règles aussi réductrices pour retranscrire le monde, qui plus est, dans ses atours les plus festifs. Malheureusement, le donneur de leçons, si doué soit-il dans son art, a souvent bien peu de … flair !

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