Top, c’est parti ! Je suis le premier à vous souhaiter la bienvenue lorsque vous arrivez dans un tout nouveau pays, après deux ou dix-huit heures de voyage, que vous soyez pétillant ou exténué ! Je sais à la seconde où vous m’utilisez que vous avez franchi une nouvelle frontière ! Je fais en sorte que vous ne perdiez pas le fil, que vous ne soyez jamais déconnecté du reste du monde, de votre famille, de vos amis. Je suis transparent avec vous sur ce qui vous attend en ces terres éloignées. Je suis ? Je suis ? Votre opérateur téléphonique ! Qui vous rappelle, l’air de rien, combien il vous faudra débourser pour appeler depuis Tombouctou, Djakarta ou Buenos Aires. Merci à vous de penser autant à nous…
N’avez-vous pas l’impression qu’il manque quelque chose à cette photo ? Non pas à la photo en tant que telle, mais à ce qu’elle montre ? En lieu et place de nos tourniquets doublés de claquantes portes saloon faisant passer les mâchoires de requin blanc pour de la guimauve, de simples bornes marquent l’entrée dans un territoire à tarification spéciale : les transports publics. On y scanne sa carte, on y passe son billet puis on avance, librement. Sans portique, même bas, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays…
Alors que de hauts systèmes de sécurité sont en voie d’installation dans les gares de proche banlieue parisienne, le contraste entre nos mœurs et celles du pays du soleil levant est à nouveau saisissant. Car, plus de sécurité, il s’agit plutôt, dans nos contrées latines, d’ériger des murs anti-fraude, en tout cas, destinés à la rendre plus difficile. Et de rappeler que « transport public » n’est pas synonyme, tout du moins pas encore, de « transport gratuit » même si tel est le credo d’un autre réseau RATP (le Réseau pour l’abolition des transports payants)… Au Japon donc, on monte dans le bus par la porte arrière et on paye en sortant, par l’avant, juste à côté du chauffeur. L’idée même de filer à l’anglaise, sans payer, semble n’effleurer l’esprit de personne. Bizarre, non ? A contrario, dans notre chère capitale, a fleuri, ces dernières années, une poignée de jingles polis lancés par les chauffeurs selon leur humeur. Ainsi, lorsqu’une personne entre sans s’acquitter de son dû, ce qui arrive régulièrement, une petite musique se met en marche et une femme à la voix douce – c’est toujours une femme qui est chargée de remettre la planète sur les rails ! – prend le relais : « Nous vous rappelons qu’il est obligatoire de valider son titre de transport ! ». Ou, dans d’autres circonstances, qu' »il est interdit de monter par l’arrière du bus », qui est, de fait, une manière de ne pas valider son précieux sésame… Les étourdis, qui ne pensaient pas à mal, fouillent alors frénétiquement dans les dix huit poches avec lesquelles ils se promènent pour en extraire leur pass et aller le valider de façon assez ostensible tandis que les autres font la sourde oreille.
Cela me rappelle une petite histoire new yorkaise racontée par une Française en vacances avec son frère. Celui-ci avait manifestement été alpagué de façon assez musclée par la police – et il suffit de les croiser une fois pour comprendre que ça peut être un moment désagréable – après avoir sauté par dessus la barrière du métro, histoire de ne pas rater celui qui arrivait à quai. Comme à la maison, quoi ! Son étonnement m’avait étonnée… Même à Londres, où le ticket de métro dépasse les 4 euros, les portiques semblent là pour la forme. Je me dois toutefois de préciser qu’un agent veille à chaque entrée de métro et que cela produit sûrement son petit effet. Bref, la question demeure : le Français est-il fraudeur à ce point ? La fraude est-elle une question de prix, de principe, de nature, un acte de rébellion ou un manque de respect à l’égard des biens partagés ? La question reste en suspens mais se pose dès que je me retrouve face à des systèmes où, par défaut, on fait confiance à ceux qui les utilisent…
Direction le sous-sol sombre comme il faut d’un petit musée à l’abri des rayons du soleil (ah, ah, ah !), et pour cause, on y expose des mots. Des lettres, des équations, des partitions, des décrets, des annonciations, des dessins, des déclarations, des brouillons, des idées fabuleuses, des hypothèses brillantes, des ébauches de chef d’œuvre qui ne connaissent pas encore leur valeur… Des traces laissées par d’illustres défunts sur lesquelles on se recueille comme sur une tombe et se penche avec déférence. Si la tombe ne dit rien de la personne qui y repose, il en est autrement de ces mots attrapés au vol… Ecrits à la main. A la plume même. Là est l’essentiel… L’écriture, cet acte vital qui transforme la pensée intime en signaux – courbes, traits et ponctuations – accessibles à tous et qui dévoile, par sa seule forme, son rythme, son allure, sa géométrie, un bout de la personnalité de celle ou celui qui tient la mine. Albert Einstein, Romain Gary, Hector Berlioz. Rigueur, clarté et régularité parfaite pour le physicien relatif ; rondeur, précipitation et doute pour l’écrivain aux deux visages ; respiration, ouverture et liberté pour le musicien romantique. Comme ça, à vue d’œil, une première esquisse de caractères…
Profitons-en, car, dans vingt, trente ans, peut-être un peu plus, nous devrons nous contenter de polices de caractère ! Quel avenir, en effet, pour un musée des lettres et des manuscrits au 21e siècle, à l’heure où tout passe par de l’arial narrow, du times new roman ou de l’helvetica neue ? Viendrons-nous nous extasier devant les fichiers des futurs auteurs, scientifiques, artistes et politiques, en y cherchant quelque vérité humaine ? Ou nous moquer de ces ancêtres qui étaient encore obligés d’utiliser leur main pour écrire, à l’image de ceux qui entrechoquaient des silex pour faire du feu ? Nous n’écrivons déjà plus à la main, ou nettement moins. C’est désormais sur nos claviers voire nos écrans, directement, que nous tapotons pour remplir nos « feuilles blanches », rédiger nos thèses, faire nos devoirs. Nous nous envoyons des courriels et non plus des lettres. Heureusement, un rituel fait de la résistance : celui de la carte postale de vacances, qui n’a pas encore cédé à cette lame de font* dévastatrice…
* police de caractère, en anglais
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Share on FacebookPetite virée à San Francisco où, postée au 1er étage d’une boutique de baskets, j’ai été témoin d’un étrange spectacle. Des femmes, des hommes passant les clous à l’envers, s’arrêtant au beau milieu de leur traversée pour reprendre dans le bon sens, comme pris d’un soudain accès de conscience, avant de se raviser… La scène […]
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